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 colonisation et esclavagisme

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Bob Lafayette
forezjohn
DrussDharan
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DrussDharan

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MessageSujet: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyVen 13 Juin 2008 - 22:05

Citation :
Enfin, c'est si Bizarre que ça de dire, par exemple, que TOUTE les nations colonisatrice ont D'ABORD fait du commerce d'esclave en Afrique PUIS eu la force de colonisé... Alors qu'il a fallut attendre 1895 pour coloniser l'Afrique ?
Vous n'y voyez pas de rapport de cause à effet ?
On parlait du fait qu'une nation ne peut pas envoyer de force des "colons"...
Je crois que vous avez zapé que l'esclavagisme c'était exactement ça... Envoyer de Force de la force de travail au nouveau monde...
Et si on fait de ce fait "le Gameplay" Je crois que ce sera beaucoup plus "léger" que les idées que tu propose...
Bon, on sera obligé de faire de l'esclavage pour aller coloniser... Mais ça a été la dure réalité, alors soit on la reconnait, soit on met encore des artifices. Parce que quand même, c'est un jeu et faut pas être réaliste !!!

Bon à part les références aux jeux et le ton condescendant de l'auteur (voir limite insultant avec le reste).

J'aimerai l'avis éclairé de l'aréopage ici présent. Qu'il y ai un rapport de cause à effet me paraît un peu tiré par les cheveux. Par contre un rapport symbiotique me paraît plus sensé.
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forezjohn

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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyVen 13 Juin 2008 - 22:15

Je dirai que les esclaves n'ont pas servi à la colonisation(établissement de la colonie), mais comme force de travail dans les champs de canne, coton etc...
A noter qu'il y avait aussi l'option natif, très prisé par les espagnols(ben oui pouquoi se casser à aller chercher des gusses en afrique quand on en a sous la main en amérique...
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Bob Lafayette

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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyVen 13 Juin 2008 - 23:46

A mon avis, si on réfléchit l'esclave comme un être humain dans la mentalité des hommes de l'époque, on se trompe lourdement. L'esclave est une marchandise et participe à une dynamique économique, pas forcément d'ailleurs dans un objectif économique.
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Ashcabir





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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptySam 14 Juin 2008 - 7:32

Oui c'est exactement ça... les esclaves ne sont pas des colons mais des outils qui ont été envoyés pour faciliter le travail des colons.

Ensuite la colonisation africaine ne se fait pas du tout sur le même modèle qu'en amérique. En amérique le but étais de trouver de nouvelles terres à exploiter sans prendre en compte les peuples autochtones (s'ils gênaient on les chassait c'est tout), en afrique il s'agissait d'un mélange entre prestige et économie mais on a aussi une dimension humaniste qui prenait les populations africaines en compte. Comme des ouvriers corvéables peut-être mais les cas d'extermination sont rares en afrique.

La colonisation en afrique ne s'est pas faite plus tôt parce que :
- l'afrique disposait d'états "modernes" de type médiéval féodal alors que l'amérique en était encore au néolithique. Beaucoup moins simple à conquérir... Il y avait bien des zones tribales plus ou moins libres mais rien de bien intéréssant.

- La présence de ces états qui avaient eu des relations avec l'europe et le monde arabe depuis des siècles faisait que la création d'un partenariat commercial était facilité. D'où un accès aux ressources de l'arrière-pays sans avoir à le contrôler.

- L'afrique est un continent plus dangereux que l'amérique, que ce soit d'un point de vue maladie ou faune. L'amérique du sud a été longtemps une île, comme en Australie la faune n'y est pas adaptée à l'Homme qui a pu exterminer les plus dangereux durant l'ère précolombienne.
L'Homme est apparu en Afrique, et il a évolué en commun avec ses maladie sur ce continent. Aujourd'hui encore on trouve plus de diversité de maladie en afrique que partout ailleurs, et pas uniquement à cause de la pauvreté.

- L'afrique étais sans doute bien plus densément peuplée que l'amérique.

Voila pourquoi la colonisation en afrique a d'abord consisté en des forts côtiers (à l'écart des maladies) qui servaient pour le commerce et les escales vers les Indes.
A partir du milieu du 19eme les explorateur découvrent l'intérieur des terres, ce qui fait prendre conscience aux états européens de la richesse de l'Afrique (ou du moins du prestige qu'on peut retirer à contrôler ces territoires. Mais il ne s'est jamais agit que d'une colonisation de surface, les cultures africaines n'ont pas eu à subir les bouleversements des cultures amérindiennes.

Pour en revenir à la citation de départ les esclaves ne peuvent être considérés comme des colons car il sont juste du matériel, des outils de mise en valeur du territoire. C'est comme si l'état envoyait du bétail ou des meules pour les moulins...
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Viel Pelerin

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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptySam 14 Juin 2008 - 7:43

Tu oublies un point essentiel dans ta démonstration entre précocité de la colonisation américaine et retard de celle en Afrique:

l'AFRIQUE ne REPRESENTE RIEN dans la mentalité géographique des Européens de la fin du Moyen Age.
Toutes les descriptions géo ou assimilables ont les mêmes principes
1/ le continent des merveilles et des richesses, c'est l'Asie et en particulier l'Inde, d'où le départ pour la voie de l'ouest, et la colonisation de l'Amérique qui sont les "Indes Occidentales"

2/ l'Afrique est un continent délaissé dans la pensée européenne, d'où le contournement par les Portugais, car ce qui compte c'est l'INDE.
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Oexmelin

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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyDim 15 Juin 2008 - 20:35

Bob Lafayette a écrit:
A mon avis, si on réfléchit l'esclave comme un être humain dans la mentalité des hommes de l'époque, on se trompe lourdement. L'esclave est une marchandise et participe à une dynamique économique, pas forcément d'ailleurs dans un objectif économique.

Au contraire: penser qu'on le réfléchit comme une marchandise est une simplification. On le conçoit à l'époque moderne bel et bien comme un homme, comme un être humain. On l'assimile certes, dans les catégories juridiques, aux meubles ou aux immeubles. On en fait le commerce comme on fait le commerce de marchandise. Mais tous ceux qui traitent, parlent, discourent sur l'eslcave sont bel et bien conscient qu'ils s'agit d'hommes, qu'il faut tromper, avilir, restreindre, mutiler. Des hommes qui ont un «génie» particulier (des caractères propres) qui les rendent barbares ou sauvages (les esclaves amérindiens, par exemple) comme le génie français les a fait légers et inconstants, par exemple. Mais des hommes néanmoins.
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Ashcabir





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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 6:15

Oexmelin a écrit:
Bob Lafayette a écrit:
A mon avis, si on réfléchit l'esclave comme un être humain dans la mentalité des hommes de l'époque, on se trompe lourdement. L'esclave est une marchandise et participe à une dynamique économique, pas forcément d'ailleurs dans un objectif économique.

Au contraire: penser qu'on le réfléchit comme une marchandise est une simplification. On le conçoit à l'époque moderne bel et bien comme un homme, comme un être humain. On l'assimile certes, dans les catégories juridiques, aux meubles ou aux immeubles. On en fait le commerce comme on fait le commerce de marchandise. Mais tous ceux qui traitent, parlent, discourent sur l'eslcave sont bel et bien conscient qu'ils s'agit d'hommes, qu'il faut tromper, avilir, restreindre, mutiler. Des hommes qui ont un «génie» particulier (des caractères propres) qui les rendent barbares ou sauvages (les esclaves amérindiens, par exemple) comme le génie français les a fait légers et inconstants, par exemple. Mais des hommes néanmoins.

S'agit-il vraiment d'un état d'esprit répandu ou juste d'une justification politiquement correcte? Histoire de pas dire que c'est un commerce bien juteux et qu'un esclave n'a de valeur que pour le travail à fournir on dit que ce sont bien des Hommes (oui ma bonne Dame, nous ne sommes pas des monstres) mais qu'on est obligé de les traiter en esclaves parce que ce sont des barbares...

Les penseurs et philosophes les voyaient sans doute comme des Hommes, certains étaient même contre l'esclavage mais est ce que cela représente bien la mentalité de ceux qui exploitaient ces esclaves et organisaient son commerce?
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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 6:26

Viel Pelerin a écrit:
Tu oublies un point essentiel dans ta démonstration entre précocité de la colonisation américaine et retard de celle en Afrique:

l'AFRIQUE ne REPRESENTE RIEN dans la mentalité géographique des Européens de la fin du Moyen Age.
Toutes les descriptions géo ou assimilables ont les mêmes principes
1/ le continent des merveilles et des richesses, c'est l'Asie et en particulier l'Inde, d'où le départ pour la voie de l'ouest, et la colonisation de l'Amérique qui sont les "Indes Occidentales"

2/ l'Afrique est un continent délaissé dans la pensée européenne, d'où le contournement par les Portugais, car ce qui compte c'est l'INDE.

Dans un premier temps oui ça a joué c'est sur mais les portugais ont été les premiers également à prendre conscience des richesses de l'Afrique. Si l'Afrique avait été colonisable sur le même modèle que l'Amérique il est clair qu'elle l'aurait été bien plus tôt.

Tiens d'ailleurs, une des premières colonisation en profondeur se situe au Cap, zone justement à climat plus clément que le reste de l'Afrique Wink
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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 17:39

Ashcabir a écrit:
S'agit-il vraiment d'un état d'esprit répandu ou juste d'une justification politiquement correcte? Histoire de pas dire que c'est un commerce bien juteux et qu'un esclave n'a de valeur que pour le travail à fournir on dit que ce sont bien des Hommes (oui ma bonne Dame, nous ne sommes pas des monstres) mais qu'on est obligé de les traiter en esclaves parce que ce sont des barbares...

Les penseurs et philosophes les voyaient sans doute comme des Hommes, certains étaient même contre l'esclavage mais est ce que cela représente bien la mentalité de ceux qui exploitaient ces esclaves et organisaient son commerce?

Au contraire: la justification «politiquement correcte» n'apparaît finalement qu'a posteriori, devant les attaques des anti-esclavagistes. Les planteurs sont plus cyniques ou plus angoissés de devoir justifier précisément ce commerce juteux. Je vais donner un exemple facile tiré de mes sources (et donc inédit) d'un mémoire donné par un planteur de la Louisiane en 1761:

«La politique américaine [comprendre: de la France en Amérique] exige de contenir les Nègres dans la plus étroite subordination et la plus dure obéissance de nous faire craindre et de leur imprimer que nous sommes autant au dessus d’eux qu’ils sont eux memes au dessus des bêtes. Il en sont tellement imbus et convaincus qu’ils disent dans leur langage aux chevaux «moy être esclave de blanc et toy esclave de nègre». Comment les maintenir dans cette persuasion si malheureusement nous leur associons de nos semblables qui seront enchainés [le mémoire discute de l'envoi de forçats à la Louisiane et en Guyanne] ou qu'ils apprendront l’avoir été ? Nous travaillerons par cette manoeuvre déplace à dissiper leur crainte et à affaiblir leurs idées sur notre compte ce qui les enhardiera à secouer le joug. Alors rien ne les arrêtera et on ne pourra plus en jouir. Les supplices et la mort ne feront qu’irriter leur légerté et leur amour pour la liberté dont nous leur aurions procuré la connoissance - on n’a que trop éprouvé combien leurs comploits sont dangereux. »

Ce n'est pas de marchandise dont on parle: c'est d'hommes dont le goût de la liberté peut être contagieux, dont les sentiments de haine envers leurs maîtres sont compréhensibles mais doivent être impitoyablement réprimés au profit d'une soumission intériorisée.
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Bob Lafayette

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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 17:43

D'accord... Mais dans la perception des européens, les esclaves n'ont pas vocation à favoriser la colonisation mais servir là où la construction d'infrastructures économiques est importante. Non ?
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Ashcabir





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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 18:12

Oui mais ça ne répond pas vraiment à la question de savoir comment on considérait les esclaves...

En effet il aurait été impossible que les petits maîtres ne se reconnaissent pas dans leurs esclaves (l'empathie est un sentiment très puissant chez l'Homme). Je doute que le petit peuple européen qui vivait à proximité des esclaves n'aie jamais lié aucune relation avec eux. Après tout entre humains c'est on ne peut plus naturel.
Les témoignages d'amitié, d'amour entre maîtres et esclaves sont très nombreux après tout.

Il va de soit qu'en pratique le traitement des esclaves n'étais pas vraiment celui d'une marchandise comme les autres, après tout c'est un outil avec lequel on pouvait communiquer... Mais ça ne veut pas dire que d'un point de vue plus général un esclave étais considéré comme un Homme.


Seulement les européens vivant à proximité des esclaves sont peu nombreux et surtout loin de faire la norme de l'époque.
L'avis qui compte à l'époque est celui de la noblesse et de la bourgeoisie des grandes villes européennes. Hors un noble ou un riche bourgeois de Paris, même s'il organise le commerce des esclaves, n'a certainement jamais parlé à un esclave et ne va certainement pas dire autour de lui qu'il fait du commerce d'êtres humains. Pour lui un esclave est une marchandise lointaine, et c'est à travers ce noble ou ce bourgeois que les "puissants" voient le phénomène de l'esclavage.
Pas comme un Homme mais comme une marchandise qui permet de s'enrichir.

Et on ne parle même pas de la compagnes ou des petites villes où cette vision est encore plus réductrice. Suffit de voir comment l'amérique voyait les afro-américains jusque dans les années 30 (et même encore maintenant) pour comprendre que même en vivant à côté on peut toujours ne pas reconnaître l'autre comme un Homme.


Donc oui, il existait une minorité qui ne considérait pas les esclaves comme du pur bétail mais comme des sous-hommes mais la grande majorité des pouvoirs colonisateurs (bourgeoisie, noblesse,...) n'y voyaient qu'une marchandise abstraite.


Et dans ton exemple on renseigne sur la façon de maintenir ces esclaves sous contrôle, on ne dit rien sur la façon dont on considère ces "nègres". Les esclaves ont très longtemps été considérés comme des animaux pensants, mais uniquement comme des animaux.
Pour moi le fait d'attribuer des sentiments et des penseés à l'esclave n'exclu pas qu'on ne leur donne pas d'humanité.
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Ashcabir





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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 18:13

Bob Lafayette a écrit:
D'accord... Mais dans la perception des européens, les esclaves n'ont pas vocation à favoriser la colonisation mais servir là où la construction d'infrastructures économiques est importante. Non ?

Tout à fait. C'est comme envoyer un chargement de bêtes de sommes, sauf que ça coute moins cher en qu'en plus ça travaille mieux silent
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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 19:03

Ashcabir a écrit:
Oui mais ça ne répond pas vraiment à la question de savoir comment on considérait les esclaves...

J'ai l'impression qu'il y a mésentente. Je ne dis pas que, parce qu'on considère que l'esclave est homme, il y a empathie naturelle, meilleur traitement, reconnaissance mutuelle, que ça adoucisse la condition. Je dis simplement qu'on ne le considère pas, qu'on ne peut pas le considérer comme une marchandise, même si on le traite comme une catégorie d'homme à part. C'est bien là le drame. La mécanique économique est là, mais n'oubliez pas que l'on vit *aussi* à une époque où les degrés de liberté peuvent varier d'un individu à l'autre. On vit à une époque où les droits sur les uns et les autres peuvent aussi se négocier. Personne ne peut se leurrer qu'il ne s'agit *pas* d'hommes, personne ne peut aisément se dédouaner en se disant qu'il ne s'agit après tout que d'un meuble, d'où l'angoisse et la paranoia constante des planteurs - qui comprennent bien les raisons qu'auraient les esclaves de se révolter, alors qu'ils ne comprendraient pas qu'une chaise ou qu'un boeuf se mettent à les empoisonner. Une union entre un homme et une chaise est im-pensable. Une union entre un homme et une vache est contre-nature et passible de mort. Une union entre un homme et une femme noire est possible, visible, répréhensible mais compréhensible. On emploie à leur égard le terme d'hommes (et de femmes). On les achète d'hommes physiquement exactement comme eux. On leur reconnaît des traditions, des langues, des dieux, des coutumes, des «ethnies». C'est exactement pour *cela* qu'on ne peut *pas* pousser la logique de la marchandisation à son terme: parce qu'il y a malaise et impossibilité de considérer le noir, l'esclave, comme une catégorie de «chose». On va donc s'acharner à leur dénier la capacité d'être des hommes libres, puisqu'on ne peut leur dénier leur humanité même. Ou alors, c'est que l'on ne s'entend pas sur la définition d''Humanité: on leur avait reconnu une âme, la capacité de réfléchir, de connaître leur intérêt, de souffrir, de s'organiser, le désir de liberté, la capacité de se reproduire, d'avoir des enfants avec des blancs, de s'aimer, de haïr: que manque-t-il pour leur reconnaître l'Humanité ? Ce que je peux t'assurer, c'est que ce qui précède est ce qui compte pour la définition d'humanité des gens du 18e siècle.

Citation :
Seulement les européens vivant à proximité des esclaves sont peu nombreux et surtout loin de faire la norme de l'époque.
L'avis qui compte à l'époque est celui de la noblesse et de la bourgeoisie des grandes villes européennes. Hors un noble ou un riche bourgeois de Paris, même s'il organise le commerce des esclaves, n'a certainement jamais parlé à un esclave et ne va certainement pas dire autour de lui qu'il fait du commerce d'êtres humains. Pour lui un esclave est une marchandise lointaine, et c'est à travers ce noble ou ce bourgeois que les "puissants" voient le phénomène de l'esclavage.

Pas vraiment. La question est complexe. Comme le montre Pierre H. Boulle, les villageois de France qui côtoient des noirs en France (p.ex.: ceux de Chambord), sont tout à fait capable de lier des unions, des liens d'apprentissage, de compagnonnage avec des Noirs. On est loin de la transmission «obligatoire» des idées racisantes avec l'école obligatoire du 19e siècle. Les intellectuels qui influencent - bien plus que des nobles provinciaux qui n'ont pas grand'chose à dire sur le sujet - l'attitude du Ministère de la Marine face à l'esclavage comprennent, parce qu'ils font partie du monde du commerce atlantique, comme Poncet de la Grave, par exemple, tous les enjeux économiques liés et vont tâcher de verrouiller le plus possible les échappatoires historiques de la condition d'esclaves (l'affranchissement en France, le rachat de liberté, etc.). Les bourgeois qui organisent le trafic ne sont pas ceux de Paris, mais ceux des ports, ceux-là même qui emmènent leurs domestiques-esclaves avec eux à Nantes ou La Rochelle au mépris de la tradition qui veut qu'un esclave en France soit déclaré libre. Les cercles de la Cour sont fortement liés au «lobbyx américain et tirent parfois des revenus immenses de leurs plantations - pour laquelle nombreux sont ceux qui sont passés aux Îles - les Choiseul, les La Touche, Le Normant, les Vaudreuil.

En outre, il ne faut pas oublier que les Amérindiens ont *aussi* été réduits à l'esclavage - pour eux également, ça n'a jamais été le cas de les considérer comme du bétail, des «choses».

Les témoignages nombreux, qu'ils proviennent des économes, des planteurs, des ministres, des avocats, des négociants que j'ai lu ne font *jamais* d'équivalence entre esclave et bétail. C'est pour cela que je crois que c'est une simplification, une simplification qui nous permette de confronter plus (trop) rapidement les sévices et le crime de l'esclavage en disant: «ah ! ils croyaient qu'ils étaient du bétail».
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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyLun 16 Juin 2008 - 19:04

Ashcabir a écrit:
Tout à fait. C'est comme envoyer un chargement de bêtes de sommes, sauf que ça coute moins cher en qu'en plus ça travaille mieux silent

Ça coûte en fait beaucoup, beaucoup plus cher un esclave.
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Ashcabir





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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyMar 17 Juin 2008 - 6:51

Citation :
J'ai l'impression qu'il y a mésentente

Oui j'ai l'impression aussi 👅

Pour moi il est clair que ceux qui cotoient les esclaves ne pouvaient nier une certaine humanité à leur égard, mais il n'empêche que d'un point de vue légal ce sont des biens immobiliers.
Pour changer réellement ce statut il faudra attendre le 18eme, période à laquelle les mentalités ont suffisamment évolué.. mais l'esclavage a commencé dès le 16eme, ça fait donc 150 ans durant lesquels la mentalité générale les considérait comme des "choses humaines", mais pas comme des êtres humains.

Citation :

Comme le montre Pierre H. Boulle, les villageois de France qui côtoient des noirs en France (p.ex.: ceux de Chambord), sont tout à fait capable de lier des unions, des liens d'apprentissage, de compagnonnage avec des Noirs.
J'ai pas dit le contraire... seulement les contacts avec les esclaves (un noir qui n'est pas esclave ce n'est pas la même chose) étaient suffisamment rares dans les provinces françaises pour que ce soit l'idée générale qui prévale : à savoir que les esclaves sont des sauvages qui mangent leurs enfants et qui sont à peine plus que des animaux.
Idées sans doute répandues jusque dans la cour du Roi.

Citation :
En outre, il ne faut pas oublier que les Amérindiens ont *aussi* été réduits à l'esclavage - pour eux également, ça n'a jamais été le cas de les considérer comme du bétail, des «choses».

La situation n'est pas la même, en effet l'Eglise décrète assez rapidement (milieu du 16eme je crois) que les amérindiens ont une âme et qu'ils ne peuvent donc être réduits en esclavage. C'est d'ailleurs ce qui fera démarrer le commerce des esclaves noirs. Pour autant ça n'a pas amélioré beaucoup la situation des amérindiens mais au moins ceux ci avaient-ils des droits (théoriques) et n'étaient juridiquement pas considérés comme des esclaves.
Dans le schéma de l'époque on partait de l'animal, puis le nègre, ensuite l'indien pour aboutir à l'Homme européen.


Enfin, si je parle de bétail c'est surtout que c'est la notion actuelle qui s'approche fort de ce je pense avoir été la condition des esclaves. Pour autant ce n'est pas de cette manière que l'auraient décrit les européens de l'époque puisque pour eux le traitement des esclaves différait un peu.
Pour préciser vraiment ma pensée au lieu de parler de bétail je pourrais plutôt parler d'animaux de cirque : on les fait travailler pour gagner sa vie en limitant les dépenses au maximum, pourtant ça n'empêche nullement de ressentir un attachement à certains animaux. Mais ça ne reste que des animaux qu'il faut dompter, et parfois ça oblige le dompteur à reconnaître certains besoins des animaux pour les calmer ou au contraire les battre pour les soumettre.
Il n'empêche que ceux qui vivaient au contact de ces esclaves (petits planteurs, paysans des colonies,...) ne pouvaient pas ne pas voir l'humanité dans les esclaves. Seulement ce n'étais pas leur avis qui comptait et les gens qui n'avaient pas de contacts directs avec les esclaves se foutaient royalement de leur sort sauf quand cela mettait le petit peuple libre des colonies mal à l'aise.

Pendant 150 ans rares ont été les organisateurs de ce commerce à se poser réellement la question de l'humanité des esclaves. Sales et nus lors de leur débarquement ils n'étaient tout simplement pas dignes d'êtres humains, à part peut-être le serviteur personnel... mais ça c'étais un cas particulier (comme toujours colonisation et esclavagisme 575114 ).
Pendant 150 ans la population a accepté de fait la non-humanité des esclaves, même si en pratique on faisait autrement.
Ce n'est qu'à partir du moment où l'opinion du petit peuple s'est révoltée du sort des esclaves que les dirigeants ont limité ce commerce.

Je pense que l'incompréhension se situe au niveau de la période à laquelle on observe l'esclavage.
Tu le vois plutôt au 18eme en amérique du nord sur le déclin, je le vois plutôt au 15eme, 16eme dans les Antilles et en amérique du sud, en plein essor Wink
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Pero Coveilha
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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyMar 17 Juin 2008 - 12:13

Ashcabir a écrit:
la mentalité générale les considérait comme des "choses humaines", mais pas comme des êtres humains.
Une meilleure formulation - qui devrait mettre les deux parties d'accord - serait de dire que le principe d'humanité n'a intégré l'idée d'égalité de statut et de dignité que très tard, et de manière très progressive et contradictoire, et d'une façon très malaisée au cours du temps (il suffit de voir comment les philosophes des Lumières se sont torturés l'esprit sur le sujet). Un homme pouvait être dit homme ET inférieur sans que ça pose question: il n'en était pas moins homme pour autant. Son humanité n'était pas niée en tant que telle, mais les hiérarchies de classe, de sexe, de nation étaient tellement prégnantes dans les esprits que "l'humanité" ne revêtait pas tout à fait le principe essentiel uniforme qu'on lui attribue aujourd'hui, et pouvait être déclinée suivant différents critères.

C'est l'idéologie des Droits de l'Homme (telle qu'elle a été affinée au cours du temps pour arriver à sa version XXè s.) qui pousse à la déshumanisation dont tu parles : la DDH a posé un nouvel obstacle qu'il fallait contourner pour refuser un statut égal à tous les hommes. Auparavant, tant que ce statut égal était une idée inimaginable, la nécessité de déshumaniser l'homme inférieur n'était pas si forte; l'infériorité passait pour une évidence, le besoin de la légitimer par d'autres moyens ne se faisait pas autant sentir..

D'ailleurs on pourrait faire un retour sur l'histoire de la DDH et de sa progressive et extrêmment lente universalisation.
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MessageSujet: Re: colonisation et esclavagisme   colonisation et esclavagisme EmptyJeu 19 Juin 2008 - 22:10

Ashcabir a écrit:
Pour changer réellement ce statut il faudra attendre le 18eme, période à laquelle les mentalités ont suffisamment évolué.. mais l'esclavage a commencé dès le 16eme, ça fait donc 150 ans durant lesquels la mentalité générale les considérait comme des "choses humaines", mais pas comme des êtres humains.

Encore une fois ce n'est pas tout à fait juste. Pero a fait l'addendum que j'aurais du faire, mais le 18e siècle est marqué, pour tous les spécialistes de la question, par un *renforcement* de la condition d'esclave, alors que jadis, aux 16e et 17e siècle, il s'agissait d'une condition beaucoup plus floue, flexible, temporaire, un «accident de la fortune» bien davantage qu'un état. Les esclaves qui s'échangent dans les comptoirs portugais du 16e siècle ont un statut extrêmement incertain: sont-ils domestiques, sont-ils serviteurs, sont-ils «engagés», sont-ils libres ? Ce n'est que plus tard que le statut d'esclave s'appréhende directement à partir du droit. D'où le problème de considérer le statut, la nature de l'histoire à partir des seules catégories pensées par le droit, pour un monde qui connaît certainement le concept de fictio legis, de la restriction de réalités complexe par des principes juridiques. Là-dessus, je recommande chaudement Robin Blackburn, The Making of New World Slavery qui propose une synthèse très complète des nombreux travaux sur l'esclavage.

Citation :
J'ai pas dit le contraire... seulement les contacts avec les esclaves (un noir qui n'est pas esclave ce n'est pas la même chose) étaient suffisamment rares dans les provinces françaises pour que ce soit l'idée générale qui prévale : à savoir que les esclaves sont des sauvages qui mangent leurs enfants et qui sont à peine plus que des animaux. Idées sans doute répandues jusque dans la cour du Roi.

Non, ça je peux te dire que ce n'est *vraiment* pas le cas - sinon il te faut expliquer pourquoi un noir qui n'est pas esclave ou un affranchi n'est soudainement plus un animal ou un cannibale. Encore une fois, les travaux de Pierre Boulle montre que l'idée des noirs dans les campagnes reculées qui ne sont pas en contact avec le monde colonial s'avèrent les prendre a priori comme des hommes à la peau noire - et c'est tout. Idem à la Cour, où il y a beaucoup trop de «coloniaux» pour que des idées aussi basiques puissent résister aux premières conversations.

Citation :
La situation n'est pas la même, en effet l'Eglise décrète assez rapidement (milieu du 16eme je crois) que les amérindiens ont une âme et qu'ils ne peuvent donc être réduits en esclavage. C'est d'ailleurs ce qui fera démarrer le commerce des esclaves noirs. Pour autant ça n'a pas amélioré beaucoup la situation des amérindiens mais au moins ceux ci avaient-ils des droits (théoriques) et n'étaient juridiquement pas considérés comme des esclaves.
Dans le schéma de l'époque on partait de l'animal, puis le nègre, ensuite l'indien pour aboutir à l'Homme européen.

L'esclavage amérindien, dans les colonies anglaises et françaises, a existé, selon les mêmes modalités que l'esclavage noir (les colonies espagnoles, qui connaissent l'esclavage à une échelle beaucoup plus réduite, forment un cas à part). Il y a un commerce entre la Caroline du Sud et la Barbade, tout comme il y a des esclaves amérindiens en Nouvelle-France. Je rappelle que le Code Noir de Colbert place pour le maître l'obligation de faire baptiser ses esclaves. Dès 1685, le christianisme et la présence avérée et reconnue théologiquement d'une âme n'est donc plus un obstacle à la réduction en esclavage.

Citation :
Il n'empêche que ceux qui vivaient au contact de ces esclaves (petits planteurs, paysans des colonies,...) ne pouvaient pas ne pas voir l'humanité dans les esclaves. Seulement ce n'étais pas leur avis qui comptait et les gens qui n'avaient pas de contacts directs avec les esclaves se foutaient royalement de leur sort sauf quand cela mettait le petit peuple libre des colonies mal à l'aise.

Encore une fois, c'est se méprendre sur la façon dont la législation coloniale, y compris celle qui concerne les esclaves, est établie. Elle est discutée, adoptées proposées sur les consultations avec les coloniaux: planteurs, négociants, Chambres de Commerce, Conseils Supérieurs des Îles, idéologues issu du monde colonial... Leur avis comptait donc beaucoup, et c'est suivant leur avis que l'on restreint par exemple le droit à la liberté pour les esclaves. C'est ce qu'on a observé à Saint-Domingue et en Louisiane.

Citation :
Je pense que l'incompréhension se situe au niveau de la période à laquelle on observe l'esclavage.
Tu le vois plutôt au 18eme en amérique du nord sur le déclin, je le vois plutôt au 15eme, 16eme dans les Antilles et en amérique du sud, en plein essor Wink

C'est une chronologie erronée. Le 18e siècle est le grand siècle de la traite des esclaves, qui prend un essor sans précédent. Les siècles qui précèdent sont des siècles d'expérimentation, précisément ceux où la caractérisation que tu donnes de l'esclavage a *le moins* cours. Ainsi, on estime que 3% des esclaves arrachés à l'Afrique le sont au 16e siècle, 16% au 17e, plus de 50% au 18e siècle et le reste au 19e. Les 20 dernières années de domination française à Saint-Domingue, par exemple, voit presque plus d'importation d'esclave que tout le siècle qui le précède. C'est au 18e siècle que l'esclavage s'étend à des zones géographiques qui ne l'avait guère connu, comme Cuba.
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