Très intéressante synthèse des consensus sur la guerre en Grèce.
Je relève cependant deux points :
La logique même du combat d’hoplites s’apparente à une mêlée de rugby : le but est de pousser pour expulser l’adversaire d’une zone de combat.
Bien que je sois pour ma part relativement d'accord avec ce point et qu'il soit le consensus actuel chez la majorité des historiens, il est largement remis en question par certains courants, notamment ceux liés aux reconstitutions et aux associations qui s'y consacrent.
Il y a tout un débat sur la meilleure manière d'utiliser la dory (la manière de la tenir et de porter les coups) et sur le fait que l'idée de la mêlée de Rugby ne semble pas une manière correcte d'utiliser la lance.
La polémique est résumée dans un livre que j'ai acheté intitulé "a storm of spears" qui oppose cette tempête de lances au "push of shields".
Mon propre point de vue ne partage pas les conclusions du livre qui ne m'a pas convaincu du tout. C'est un consensus des deux points de vue influencé par l'idée des "pauses" dans la mêlée.
J'en ai déjà parlé.
Pour faire court, un combat est un moment intense, extrêmement épuisant tant physiquement, à plus forte raison en plein été comme c'est le cas le plus habituellement, que mentalement. Il parait difficile d'imaginer une mêlée intense durant plus d'une dizaine/quinzaine de minutes (voire même plus de quelques minutes en fait) même pour des gens habitués aux efforts et bien entrainés.
Donc on suppose qu'une mêlée était composée de phases de contact intense et suivies de "pauses" où l'un, ou les deux camps, recule et reprend son souffle en invectivant l'adversaire.
Là ou je fais se rejoindre à la fois la tempête de lance des uns et la poussée de boucliers des autres c'est que cela peut coller à ces différentes phases.
La mêlée va commencer comme une escrime de coups de lances, puis un camp recule, soit l'autre reprend son souffle également, soit il continue de pousser pour prendre l'avantage et va arriver un point ou protéger par les boucliers et poussés par la masse, les deux formations vont se retrouver bouclier contre bouclier et on va avoir cette fameuse poussée.
Les points qui me font croire à la poussée, sont les représentations de combat à la lance, lance tenue au dessus de la tête (qui sont interprétés comme des jets, de la lance ou de javelots par les tenants de la tempête) et les épées courtes dont sont équipés les hoplites pour le combat au corps à corps, voire même très courtes (un gros poignards) pour les spartiates d'après certaines sources.
Les tenants de la tempête de lances essayent de prouver que ce n'est pas une manière optimale de combattre (on utilise pas l'allonge supérieure de la lance) et les reconstitutions montrent qu'on s'expose beaucoup face à des gens qui cherchent à utiliser l'allonge en tenant la lance de manière plus "logique" sous le bras et que les coups que l'on porte de cette manière fatiguent moins et permettent de générer plus de puissance.
Les très gros points faibles de leur méthode sont que, par manque de moyens humains, leurs reconstitutions ne prennent pas en compte la masse réelle d'une phalange.
Ils ignorent (dans leur raisonnement) que tenir la lance de cette manière gêne les rangs arrière en formation serrée et que toutes nos sources nous parlent de la phalange comme d'une formation serrée, bouclier contre bouclier. Ils oublient que l'hoplon est un grand bouclier qui laisse peu de zones du corps à découvert quand les boucliers sont serrés de cette manière.
L'approche au contact est donc non seulement possible, mais favorisée par la masse qui pousse derrière et qui ne laisse pas les premiers rangs combattre relativement librement en ordre ouvert comme ils ont tendance à le faire (les tenants de la tempête de lance).
Et dans cet espace restreint, tenir la lance au dessus du bouclier est le meilleur moyen de pouvoir frapper un ennemi proche s'abritant derrière son bouclier tout en ne risquant pas trop de blesser quelqu'un derrière soi. Et les épées courtes sont plus adaptées au combat bouclier contre bouclier que des épées plus longues (pour frapper les bras, la nuque, le visage etc). CQFD.
L'autre point c'est la peur de la mer.
Je suis prêt à le croire, cela ne me parait pas aberrant, tout comme l'apparition de la trière change la donne et la puissance navale devient effectivement déterminante, c'est toute l'histoire de l'émergence d'Athènes comme une grande puissance et de son impérialisme. Donc oui la constitution par Athènes d'une flotte de trières (qui donne effectivement un rôle aux citoyens les plus pauvres dans les opération guerrières en tant que rameurs) est un évènement majeur. Vecteur de changement.
Mais l'importance de la mer dans le monde grec est malgré tout beaucoup plus ancienne.
La colonisation est antérieure, le commerce également et les mycéniens sont une puissance navale, projetant sa puissance, même si c'est seulement pour des raids et de la piraterie.
Pour ne pas parler des minoens (qui certes, ne sont pas grecs).
Après, oui, tous les grecs ne sont pas marins, la majorité sont des paysans qui n'ont sans doute pas de proximité avec la mer et son univers. Et de toute façon même des marins peuvent avoir des raisons d'être craintif vis à vis de la mer (plus de raisons même sans doute).
Bref, je ne remet pas en cause ce qu'il dit à proprement parler, mais sur ce point, cela me semble être une généralisation un peu hâtive qui explique mal la relation complexe et ancienne du monde grec avec la mer.