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 La vision du monde selon les Romains

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Keyser Pacha
capitaine Fracasse
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viper37
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viper37

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MessageSujet: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyJeu 7 Juil 2022 - 13:56

Je me posais une question.

Les Romains se voyaient comme supérieur aux autres nations du monde.

Mais au fur et à mesure que la République, puis l'Empire s'étend et accorde la citoyenneté romaine aux territoires conquis, comment les Romains d'origines voyaient-ils ces gens, après quelques années? Est-ce qu'après une génération ou deux on les voyaient plus ou moins comme des égaux (tout étant relatif, bien entendu, il y avait des différences de classes notable, mais nonobstant ça)?

Pour préciser un peu, est-ce que Sénateur Romain voyait par exemple, la plèbe de citoyens du sud de la Gaule comme celle de l'Afrique du Nord, de la Syrie, de la Bretagne, de l'Illyrie, de l'Italie, etc? Est-ce qu'à l'époque de Marc-Aurèle, par exemple, l'on voyait encore les citoyens de Rome comme étant supérieur aux autres citoyens de l'Empire ou n'était-ce plutôt qu'une vue peu répandue?
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Cat Lord

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyJeu 7 Juil 2022 - 14:24

Le Sénateur Erikus Zemourus était particulièrement vindicatif au Ier siècle contre ces nouveaux romanisés...

Cat
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Ibarrategui

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyJeu 7 Juil 2022 - 14:36

Faire de l'histoire des mentalités sur ce point précis à partir de sources archéologiques et de classiques tardifs plus ou moins bien transmis et émondés par la tradition (et vus de surcroît comme moins importants que des textes plus anciens), ça me paraît fort difficile.
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capitaine Fracasse

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyJeu 7 Juil 2022 - 14:49

Cat Lord a écrit:
Le Sénateur Erikus Zemourus était particulièrement vindicatif au Ier siècle contre ces nouveaux romanisés...

(Ericus Zemmor, plus probablement, Justinus Leo de ses second et troisième prénoms. Je me demande d'ailleurs si la suite de lettres "ou" existe en latin...)


Ibarrategui a écrit:
Faire de l'histoire des mentalités sur ce point précis à partir de sources archéologiques et de classiques tardifs plus ou moins bien transmis et émondés par la tradition (et vus de surcroît comme moins importants que des textes plus anciens), ça me paraît fort difficile.

En revanche, je pense qu'il peut être dit -si je ne me trompe-, de façon très accessoire par rapport à la question de Viper, que l'appartenance à la plèbe ou au patriciat avait perdu l'essentiel de son caractère discriminatoire dans l'empire, de même qu'être roturier, noble d'Ancien Régime ou noble d'Empire n'a plus guère d'importance lorsque l'on appartient, aujourd'hui, à l'aristocratie financière...

L'essentiel des discriminations sociales à l'époque de Marc Aurèle étaient fondées sur l'appartenance à la catégorie des plus humbles ou à celle des plus honnêtes, qui, me semble-t-il, n'étaient pas des distinctions de naissance (comme pour la plèbe et le patriciat), mais d'aisance...

[Édit. : non, pas tout à fait, en fait : "La classe des honestiores est formée par les sénateurs et leurs familles, les chevaliers et leur famille, les soldats et les vétérans et leurs enfants, ainsi que les hommes exerçant ou ayant exercé des fonctions publiques dans les villes et les cités en dehors de Rome (et leurs descendants). Tous les autres citoyens appartiennent à la seconde catégorie, les humiliores, et à moins que la richesse ou l'habileté ne les amène à des fonctions publiques, ils restent humiliores. (François Jacques et John Scheid, Rome et l'intégration de l'Empire (44 av. J.-C.260 ap. J.-C.), t. 1, PUF, 1999, 480 p. (ISBN 9782130448822), p. 81.)"
https://fr.wikipedia.org/wiki/Honestiores_et_humiliores]
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyJeu 7 Juil 2022 - 15:16

Tu donnes plutôt toi même ta réponse, cela évolue avec le temps et l'habitude.

Au moyen-âge les hellénophones de l'empire d'orient, langue officielle le grec, capitale Constantinople, que l'on nomme aujourd'hui "empire byzantin" se considéraient comme "romains".

Il y a plusieurs aspects à prendre en compte dans la manière dont les gens s'identifiaient à des groupes précis.

D'une, la citoyenneté romaine a toujours, depuis l'origine, été englobante et séparée d'une identité ethnique claire.

La république était fière de son identité et de sa culture latine.
Mais elle intégrait à sa population des non-latins depuis l'origine.

Le mythe de Romulus et Remus explique que les deux frères ont fondés leur ville à partir d'un groupe hétéroclite de hors la loi et en enlevant les femmes de leurs voisins sabins.

L'archéologie et l'étude des noms révèle que la fondation fut plutôt un synœcisme (confédération de villages en une cité état avec des monuments publics communs et un système de gouvernement).

Rome est une ville en marge du monde latin, certains des villages d'origines sur les sept collines (peut être tous) étaient certainement latins, mais les patronymes des gens patriciennes (théoriquement les chefs des familles les plus anciennes ou éminentes) révèlent des patronyme sabins et étrusques dès les origines qui indiquent bien que la fondation de la cité et la période royale furent des périodes ou la population de la ville s'est constituée à partir de groupes hétérogènes éthniquement (que cela soit du à la population des villages, où à l'arrivée d'élites et de migrants étrangers avec les rois, sabins et étrusques).

De fait, Rome s'est tout d'abord opposée à la ligue latine et son identité culturelle, quoique ville de langue latine, est séparée et propre.

Ensuite, la citoyenneté romaine, comme je le disais et à la différence de la plupart des cités grecques, fut toujours assez ouverte. Il était relativement aisé de devenir citoyen romain.

Et elle fut élargie, fréquemment, à des cités alliées et loyales.

Cela ne se fit pas toujours sans grognements des citoyens romains. On peut noter l'opposition des conservateurs et d'une partie de la population lorsque les frères Gracques souhaitèrent offrir la citoyenneté romaine à l'ensemble des alliés italiens. Et la guerre sociale, entre lesdits alliés italiens organisés en une confédération italienne rivale de Rome et Rome elle-même sur le critère du refus de leur donner la citoyenneté.
A l'issue de la guerre, si les meneurs furent sévèrement punis par Rome, les italiens (toute la péninsule au sud du Pô, le nord n'étant pas alors partie de l'Italie mais de la Gaule) obtinrent la citoyenneté.

Pendant assez longtemps, hors des colonies établies un peu partout et composés de citoyens romains (ce qui fait qu'on pouvait trouver des citoyens au 4 coins de la méditerranée), l'obtention de la citoyenneté se faisait au cas par cas, pour récompenser et intégrer les élites collaborant avec Rome ou les engagés combattant dans ses armées (auxiliaires).

Donc, si on peut imaginer que pendant un assez long moment entre la fin de la république et Caracalla et son édit, la citoyenneté romaine (et l'identité culturelle "romaine") ait pu assez fortement s'identifier à la péninsule italienne et aux italiens, ainsi qu'aux colonies italiennes fondées sur les territoires conquis.
La réalité de la composition ethnique du corps des citoyens a toujours été assez vague et large.
Les unions mixtes étant extrêmement fréquentes et la citoyenneté étant donnée assez largement.

L'édit de Caracalla a pu créer des grincements de dent et je peux imaginer des oppositions de type raciste de "romains" de longue date, mais si globalement il n'a pas suscité une opposition forte (au point de devoir revenir dessus) c'est, je pense, qu'au moment où il a été passé, la citoyenneté romaine était déjà très fortement diluée au 4 coins de l'empire.
D'une part. Et que, d'autre part, les non-citoyens étaient sous domination romaine depuis suffisamment longtemps pour que l'obtention de la citoyenneté soit vue sous un jour plutôt favorable d'égalisation des statuts légaux plutôt que comme un renoncement à sa propre identité.

En gros, il y a eu sans doute des préjugés ethniques et du snobisme, variable dans le temps et dans les représentations de l'autre, mais globalement, la citoyenneté romaine n'a jamais réellement été basée sur des critères ethniques, même à l'origine, ce qui signifie qu'il était simple d'accepter la citoyenneté de gens totalement étrangers à la ville ou au monde latin, voire italien. D'autant plus simple que l'intégration, jusqu'à l'édit de Caracalla, a été progressive et parallèle à la romanisation des territoires conquis.

Sans doute un gaulois, encore "barbare", devenu citoyen et même sénateur par la simple grâce de César (le "fait du roi") a pu faire grincer des dents et râler dans les élites sénatoriales romaines...
Cependant la romanisation, puis l'obtention de la citoyenneté par de plus en plus de provinciaux a du se faire relativement doucement et paisiblement dans le temps.

Et après Caracalla, pour autant qu'on puisse juger, l'identité romaine commune a été assez forte, aux 4 coins de l'empire.

(Avec le bémol, que les ruraux ont sans doute conservés, jusqu'à la fin de l'empire, les langues et coutumes locales, ainsi la survivance des langues celtiques dans les îles britannique, de parlers gaulois dans les futurs royaumes mérovingiens, du berbère et même du punique en Afrique du nord jusqu'à la conquête arabe, des langues sémitiques au moyen-orient et du grec, comme lingua franca, en orient.)

Et pour compléter, les grecs avaient également une haute opinion d'eux-mêmes et même citoyens romains pouvaient avoir un regard assez méprisant sur leurs conquérants qui pourtant les dominaient politiquement et militairement.

Il n'en demeure pas moins qu'avec le temps et le centre de gravité de l'empire se décalant vers les riches provinces d'orient (et leurs élites) faisant des grecs le centre d'une seconde forme de "romanité", ils finirent par se considérer comme "romains".
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viper37

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyJeu 7 Juil 2022 - 22:47

Merci KP, c'est le genre de réponse que je cherchait.

En effet, je me doutais que s'il y avait quelque chose c'était plus du snobbisme qu'autre chose, c'est ce que je demandais, si ça avait bien passé au fur et à mesure de l'élargissement de la citoyenneté aux populations conquises.

Je n'avais pas songé à la mixité des populations.
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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptySam 16 Sep 2023 - 12:57

Je profite du thread et le détourne comme une vulgaire cubain. Est-ce que vous auriez des billes sur les conséquences de la christianisation de l'empire sur la question serviles ? Soit que vous puissiez m'en dire un petit bout, soit des références ?

Autre question : est-ce que vous avez des références pour une histoire de la marine commerciale romaine ?

Dernière question : est-ce que vous avez des réflexions et/ou des sources sur la transformation romaine de l'esclavage et le passage vers un esclavage d'Etat ?
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Bob Lafayette

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptySam 16 Sep 2023 - 15:38

L'historiographie médiéviste traditionnelle (Karl Ferdinand Werner) propose une non filiation de l'esclavage et du servage. Le servage serait un mode d'organisation sans aucun lien avec l'esclavage. Dès lors, le christianisme aurait mis fin à l'esclavage romain.

D'autres historiens allemands (que je n'ai pas lu) et plus généralement, les historiens fascistes, auraient tendance à faire un lignage société germanique --> société médiévale, lorsque Werner et l'historiographie française, fait un lignage société romaine--> société médiévale. Donc là, la fin de l'esclavage serait liée au changement de société voulu par la pensée germanique dominante.

Les marxistes font un lien esclavage - servage.

Pour faire caricatural, c'est un peu ce qui était mis en avant au XXe siècle. Je ne sais pas s'il y a quelque-chose de plus contemporain et de plus subtil.
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Mattheus

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptySam 16 Sep 2023 - 15:44

DD a écrit:
Je profite du thread et le détourne comme une vulgaire cubain. Est-ce que vous auriez des billes sur les conséquences de la christianisation de l'empire sur la question serviles ? Soit que vous puissiez m'en dire un petit bout, soit des références ?

Autre question : est-ce que vous avez des références pour une histoire de la marine commerciale romaine ?

Dernière question : est-ce que vous avez des réflexions et/ou des sources sur la transformation romaine de l'esclavage et le passage vers un esclavage d'Etat ?

Qu'est-ce que tu appelles un "Esclavage d'Etat"? Et quand serait-il mis en place dans l'Empire Romain?
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptySam 16 Sep 2023 - 15:51

J'ai pensé, en le lisant (sans certitude, DD confirmera ou non) qu'il faisait référence à la dégradation du statut des hommes libres vivant dans les campagnes sur des terres dépendant de grands propriétaires terriens.
Les "colonii" dont la condition se dégrade sous le bas-empire, avec le temps, jusqu'au point de devenir des serfs incapables de déménager ou de changer d'activité sans autorisation.

Mais je suis pas certain que cela soit ce qu'on pourrait appeler de l'esclavage d'état. Donc je ne suis pas sûr que c'est à cela qu'il fait référence.

(après l'état romain possédait aussi des esclaves, qui travaillaient parfois dans les manufactures, d'armes par exemple)
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Mattheus

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptySam 16 Sep 2023 - 16:02

Oui il y avait des esclaves d'Etat, pour les "services de secours" par exemple mais c'était pas la majorité.
J'ai pas souvenir qu'il y ait eu une évolution où l'esclavage serait passé de la propriété privée à la propriété publique, du moins pas dans l'Empire Romain.
Mais bon j'étais plus intéressé par les questions militaires que sociétales durant mes études et même après.
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capitaine Fracasse

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyDim 17 Sep 2023 - 7:25

DD a écrit:
Je profite du thread et le détourne comme une vulgaire cubain. Est-ce que vous auriez des billes sur les conséquences de la christianisation de l'empire sur la question serviles ? Soit que vous puissiez m'en dire un petit bout, soit des références ?

La plupart des ouvrages de ma bibliothèque sont dans des cartons ou sont égarés, hélas, mais Paul Veyne juge (dans L'Empire gréco-romain, Paris, 2005, p. 692) que l'[o]n ne peut pas penser à tout à toute époque ; [que] les chrétiens n'ont jamais songé à abolir l'esclavage, au contraire, mais [que] leur en faire un grief serait pécher par anachronisme.
Il fonde cet "au contraire" sur [l]e livre de Peter Garnsey, Ideas of Slavery from Aristotle to Augustine, Cambridge, 1996, [qui] est sans réplique. Il en existe maintenant une traduction française. -- Les stoïciens n'étaient pas non plus des adversaires de l'esclavage ; ils le disaient non naturel parce qu'ils le considéraient comme institutionnel et par là légitime ; un esclave doit remplir son office en bon esclave et son maître doit remplir le sien en bon maître ; il doit bien nourrir son esclave, conformément au contrat tacite qu'est le lien d'esclavage.

Les Conceptions de l'esclavage d'Aristote à saint Augustin sont publiées aux Belles Lettres (Paris, 2004). Elles propose[nt] une synthèse sur la façon dont l'esclavage était considéré par les principaux représentants des sociétés grecques et romaines.
Peter Garnsey fait appel à un large éventail de sources, païennes, juives et chrétiennes, qui s'étendent sur une période de dix siècles, afin de mettre à l’épreuve l’hypothèse couramment admise d’un consentement passif à l’égard de l’esclavage, et l’idée corrélative selon laquelle, à l’exception d’Aristote, il n’y eut aucune pensée systématique sur l’esclavage.
L’ouvrage contient à la fois une typologie des attitudes à l’égard de l’esclavage, qui allaient de la critique à la justification, et des études de cas sur les principaux théoriciens de l’esclavage : Aristote et les stoïciens, Philon et Paul, Ambroise et saint Augustin. Le dernier chapitre examine l’emploi de l’esclavage comme métaphore chez les Pères de l’Église. [...] Peter Garnsey est professeur d'[h]istoire de l'Antiquité classique à l'[u]niversité de Cambridge.

https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251380629/conceptions-de-l-esclavage-d-aristote-a-saint-augustin

Je ne les ai pas lues, mais Paul Veyne les présente comme un ouvrage d'autorité. C'était certes à la naissance du siècle et deux décennies se sont écoulées depuis, mais certains ouvrages tiennent cette épreuve du temps.

L'article du Wikipédia anglais possède quelques autres sources, qui ne sont guère plus récentes :
https://en.wikipedia.org/wiki/Slavery_in_ancient_Rome#Early_Christian_attitudes_toward_slavery
parmi lesquelles cet article :
https://chs.harvard.edu/curated-article/snowden-lectures-keith-bradley-the-bitter-chain-of-slavery/

Autre article :
https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_views_on_slavery#In_the_Roman_Empire

DD a écrit:
Dernière question : est-ce que vous avez des réflexions et/ou des sources sur la transformation romaine de l'esclavage et le passage vers un esclavage d'Etat ?

Je ne comprends pas cette notion de "passage". Tu suggères une confiscation des esclaves privés et impériaux par l'État ou un monopole de l'État sur l'esclavage ?

Sur les typologies de l'esclavage romain, il y est cette source (à destination d'élèves du secondaire) : https://odysseum.eduscol.education.fr/lesclavage-rome-sous-lempire

Bob Lafayette a écrit:
Les marxistes font un lien esclavage - servage.

Les hommes du Moyen Âge eux-même semblent avoir fait ce lien, puisqu'ils choisirent d'appeler les serfs "serfs", c'est à dire de la façon dont on désignait ceux que nous appelons à présent "esclaves" dans l'Antiquité.
Le servage du moyen âge était-il pour autant une institution héritière de l'esclavage antique ? En vérité, je ne saurais dire et ton état des lieux semble suggérer un consensus difficile, mais en perception culturelle contemporaine, le choix des mots n'est probablement pas anodin.

Lorsque l'on parlait de servitude, le mot d'esclaves, au sens strict, concernait spécifiquement ceux des populations esclavonnes asservies, de même qu'ultérieurement le mot de nègres désigne spécifiquement ceux des populations afres asservies. C'était, pourrait-on dire, une appellation d'origine.
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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyLun 18 Sep 2023 - 11:46

Merci pour vos réponses.

Bob Lafayette a écrit:
L'historiographie médiéviste traditionnelle (Karl Ferdinand Werner) propose une non filiation de l'esclavage et du servage. Le servage serait un mode d'organisation sans aucun lien avec l'esclavage. Dès lors, le christianisme aurait mis fin à l'esclavage romain.

D'autres historiens allemands (que je n'ai pas lu) et plus généralement, les historiens fascistes, auraient tendance à faire un lignage société germanique --> société médiévale, lorsque Werner et l'historiographie française, fait un lignage société romaine--> société médiévale. Donc là, la fin de l'esclavage serait liée au changement de société voulu par la pensée germanique dominante.

Les marxistes font un lien esclavage - servage.

Pour faire caricatural, c'est un peu ce qui était mis en avant au XXe siècle. Je ne sais pas s'il y a quelque-chose de plus contemporain et de plus subtil.
C'est pas forcément ce qui m'intéresse. Qu'il y ait "continuité et rupture", je veux bien en convenir. Ce qui m'intéresserait serait une analyse plus dans le détail de comment esclavage (être humain bien meuble) et christianisme vont se télescoper.

Mattheus a écrit:
Qu'est-ce que tu appelles un "Esclavage d'Etat"? Et quand serait-il mis en place dans l'Empire Romain?
Manifestement ça vous a tous fait tiquer, c'est que je dois être un peu à côté de la plaque. J'ai un vague souvenir de cours de L1 comparant les esclavages grecs et romains et distinguant un esclavage plutôt privé chez les grecs (dans l'oikos, tout ça) et un esclavage davantage public chez les romains (les fermes en sicile, etc.). Mais je sais pas trop à quoi ça correspond et si ça correspond ; c'est ça que je cherche. Ou, pour le dire autrement : le rôle et la place de l'esclavage dans l'organisation politique et sociale romaine, l'énergie qu'ils apportaient, la socialisation et "l'industrialisation" de la production qu'ils ont permis, la mise en place d'une "fonction publique" lettrée et servile, le fait aussi d'organiser la sphère publique de manière à s'approvisionner en esclaves (ce qui nécessite une organisation spécifique politique, militaire et sociale), etc.
(et du coup, les conséquences économiques qu'aurait pu avoir le christianisme)

Mattheus a écrit:
Oui il y avait des esclaves d'Etat, pour les "services de secours" par exemple mais c'était pas la majorité.
J'ai pas souvenir qu'il y ait eu une évolution où l'esclavage serait passé de la propriété privée à la propriété publique, du moins pas dans l'Empire Romain.
Et sans parler nécessairement en termes de propriété ; plutôt de place dans le système productif et les conséquence de celle-ci quant à l'organisation sociale, la production, la consommation et la circulation des marchandises (d'où ma seconde question sur la marine commerciale).

Keyser Pacha a écrit:
J'ai pensé, en le lisant (sans certitude, DD confirmera ou non) qu'il faisait référence à la dégradation du statut des hommes libres vivant dans les campagnes sur des terres dépendant de grands propriétaires terriens.
Les "colonii" dont la condition se dégrade sous le bas-empire, avec le temps, jusqu'au point de devenir des serfs incapables de déménager ou de changer d'activité sans autorisation.

Mais je suis pas certain que cela soit ce qu'on pourrait appeler de l'esclavage d'état. Donc je ne suis pas sûr que c'est à cela qu'il fait référence.

(après l'état romain possédait aussi des esclaves, qui travaillaient parfois dans les manufactures, d'armes par exemple)
Pour le coup, non pas du tout. Je sais pas si j'ai été plus clair.

capitaine Fracasse a écrit:
DD a écrit:
Je profite du thread et le détourne comme une vulgaire cubain. Est-ce que vous auriez des billes sur les conséquences de la christianisation de l'empire sur la question serviles ? Soit que vous puissiez m'en dire un petit bout, soit des références ?

La plupart des ouvrages de ma bibliothèque sont dans des cartons ou sont égarés, hélas, mais Paul Veyne juge (dans L'Empire gréco-romain, Paris, 2005, p. 692) que l'[o]n ne peut pas penser à tout à toute époque ; [que] les chrétiens n'ont jamais songé à abolir l'esclavage, au contraire, mais [que] leur en faire un grief serait pécher par anachronisme.
Il fonde cet "au contraire" sur [l]e livre de Peter Garnsey, Ideas of Slavery from Aristotle to Augustine, Cambridge, 1996, [qui] est sans réplique. Il en existe maintenant une traduction française. -- Les stoïciens n'étaient pas non plus des adversaires de l'esclavage ; ils le disaient non naturel parce qu'ils le considéraient comme institutionnel et par là légitime ; un esclave doit remplir son office en bon esclave et son maître doit remplir le sien en bon maître ; il doit bien nourrir son esclave, conformément au contrat tacite qu'est le lien d'esclavage.

Les Conceptions de l'esclavage d'Aristote à saint Augustin sont publiées aux Belles Lettres (Paris, 2004). Elles propose[nt] une synthèse sur la façon dont l'esclavage était considéré par les principaux représentants des sociétés grecques et romaines.
Peter Garnsey fait appel à un large éventail de sources, païennes, juives et chrétiennes, qui s'étendent sur une période de dix siècles, afin de mettre à l’épreuve l’hypothèse couramment admise d’un consentement passif à l’égard de l’esclavage, et l’idée corrélative selon laquelle, à l’exception d’Aristote, il n’y eut aucune pensée systématique sur l’esclavage.
L’ouvrage contient à la fois une typologie des attitudes à l’égard de l’esclavage, qui allaient de la critique à la justification, et des études de cas sur les principaux théoriciens de l’esclavage : Aristote et les stoïciens, Philon et Paul, Ambroise et saint Augustin. Le dernier chapitre examine l’emploi de l’esclavage comme métaphore chez les Pères de l’Église. [...] Peter Garnsey est professeur d'[h]istoire de l'Antiquité classique à l'[u]niversité de Cambridge.

https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251380629/conceptions-de-l-esclavage-d-aristote-a-saint-augustin

Je ne les ai pas lues, mais Paul Veyne les présente comme un ouvrage d'autorité. C'était certes à la naissance du siècle et deux décennies se sont écoulées depuis, mais certains ouvrages tiennent cette épreuve du temps.

L'article du Wikipédia anglais possède quelques autres sources, qui ne sont guère plus récentes :
https://en.wikipedia.org/wiki/Slavery_in_ancient_Rome#Early_Christian_attitudes_toward_slavery
parmi lesquelles cet article :
https://chs.harvard.edu/curated-article/snowden-lectures-keith-bradley-the-bitter-chain-of-slavery/

Autre article :
https://en.wikipedia.org/wiki/Christian_views_on_slavery#In_the_Roman_Empire
Merci, je vais aller regarder.

Citation :
DD a écrit:
Dernière question : est-ce que vous avez des réflexions et/ou des sources sur la transformation romaine de l'esclavage et le passage vers un esclavage d'Etat ?

Je ne comprends pas cette notion de "passage". Tu suggères une confiscation des esclaves privés et impériaux par l'État ou un monopole de l'État sur l'esclavage ?

Sur les typologies de l'esclavage romain, il y est cette source (à destination d'élèves du secondaire) : https://odysseum.eduscol.education.fr/lesclavage-rome-sous-lempire
Je suggère une évolution de la place occupée par les esclaves dans l'organisation publique (politique et sociale) romaine, notamment comparée aux grecs.




Mais peut-être que toutes ces questions tiennent à une méconnaissance de l'histoire de l'esclavage, et notamment de la plage de l'esclavage dans les grands empires moyen-orientaux.

PS : je m'étais aussi posé ces questions, il me semble, après avoir lu un truc de Tainter où il proposait parmi les raisons de la chute de Rome les difficultés d'approvisionnement en esclaves.
PPS : oui, je suis un peu dans le flou Razz
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capitaine Fracasse

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyLun 18 Sep 2023 - 12:55

Peut être cela t'intéresse-t-il ?

Nous savons qu'il existait des esclaves publics en Phénicie et en Grèce. Cela y était un fait important. Cependant, seul Xénophon dans les Revenus envisage la possibilité de l’achat d'esclaves par la cité pour travailler dans les mines. Et elle ne fut jamais inscrite dans la réalité, des entreprises privées louant, de fait, des esclaves aux concessionnaires de mines. À Athènes, le rôle des esclaves publics ([δημόσιων], [οἰκέτῶν]) est assez bien connu. Certains effectuaient des travaux de voirie, de police (les fameux esclaves scythes, au moins jusqu’aux années 80 du IVe siècle) d’écriture, de conservation d’archives, de comptabilité publique, voire de vérification de la qualité des monnaies utilisées sur le marché (agora). On peut, à leur propos, parler, d''esclaves publics.
Il en alla un peu différemment à Rome, où les choses changèrent entre la République et l’Empire. C’est en effet à partir du règne d’Auguste que des serviteurs d’un “particulier”, l’empereur, commencent à jouer un rôle important dans l’administration, et même le gouvernement de l’empire. Ces esclaves impériaux remplissent des rôles analogues aux esclaves publics, mais par la médiation (privée) de leur maître. Avec Auguste et ses successeurs, les
servi publici populi Romani relèvent d’une fonction publique hiérarchisée et réglementée. Ils sont présents partout : auprès des consuls, des censeurs, des édiles curules, des tribuns de la plèbe, des préteurs, des gouverneurs de provinces, à l’exception des carrières liées aux muner[ibus] et aux honor[ibus]. Auguste institue de nombreux services auxquels peuvent être attachés des esclaves publics : un service des eaux, des incendies, de police, des prisons et d’exécution, des travaux publics, des manufactures, de la poste. La présence de seru[orum] tabulari[orum] ou clauiculari[orum] est constatée dans le domaine des finances, des bibliothèques et des archives, de l’approvisionnement et des distributions. Il en va de même dans le cadre des cités. Le servus publicus peut représenter l’État ou la cité dans la conclusion de certains actes juridiques et stipuler à la place d’un maître, servir les cultes publics, des Pontifes ou des Augures, et surveiller les temples.
Avec le temps, la confusion entre esclaves publics et esclaves/ patrimoine du prince augmente. Dès Vespasien, esclaves et affranchis du
fisc et du patrimoni sont rapprochés. De plus, si leur fonction est dans la durée liée à la volonté de leur maître, les nécessités du service leur font acquérir une certaine stabilité. On voit ainsi des esclaves ou affranchis, impériaux ou municipaux, continuer à occuper des postes publics avec une nouvelle familia Caesaris ou ciuitatis. Ce qui pose la question très controversée de la formation d’une administration pérenne au service de la structure étatique. Ce qui est sûr est que la stabilité professionnelle permet aux esclaves et aux affranchis d’avoir une “ carrière” au sein des services publics.
Souvent présents, mais relativement disséminés dans les mondes anciens, les esclaves publics deviennent ainsi plus nombreux dans la Rome impériale, sans pour autant, semble-il, constituer l’essentiel de l’administration. Ils ressortissent généralement de la catégorie dite des esclaves à talents. Mais le nombre n’est pas tout. De la Grèce à la Rome impériale on voit en effet une mutation s’opérer, les esclaves publics devenant de plus en plus des outils aux mains, non plus d’une cité, mais d’un détenteur unique du pouvoir, service public et personnel tendant alors à se confondre. Signe que plus le pouvoir se renforce et devient personnel, plus le recours à des esclaves sans famille ni descendance légale, et donc théoriquement fidèles, devient intéressant pour lui.
[Cela s’explique-t-il, aussi, par une sorte de discrédit attaché au statut et/ ou à la carrière de fonctionnaire, ou, du moins, par la faible attractivité, pour des libres, de ce type d’activité ? Cela permettrait en tout cas,
a contrario, de fournir une explication parmi d’autres au fait que l’esclavage public fut absent de l’Europe médiévale et moderne, dans des États où la fonction publique se développa progressivement et accrut son attractivité.]

https://www.persee.fr/doc/girea_0000-0000_2013_act_34_1_1113


Ou cela :
in his article published in the volume Die Stadt in der Spätantike: Niedergang oder Wandel?, Noel Lenski gives evidence for the survival of public slavery from the fourth to the sixth century. He describes the ongoing slave supply as well as the activities of public slaves as attendants on a cult or on priesthoods, attendants on magistrates, record keepers, financial accountants, legal servants, artists, prison wardens, executioners, and aqueduct slaves. Although the servus publicus is well attested in the fourth century, his range of activities becomes more and more restricted, and ‘by the mid-fifth century, most of the tasks formerly assigned to the servus publicus have been reassigned to freeborn laborers’, with the exception of the aquaria. Lenski sees the reasons for the decline of public slavery in a parallel decline of civic administration and maintenance of infrastructure, in a more general decline in the use of slaves (problems of control and reliability, and the efficiency of the slave’s work) as well as in the decline of cities. Public slavery became superfluous with regard to other means of control over free labourers.
[...]
In the case of Rome, Walter Eder comes to the conclusion that the servi publici were gradually being replaced by the servi Caesaris; this development mainly affected the imperial administration, whereas public slaves continued to play a role as assistants of religious collegia; the servi publici and the servi Caesaris disappeared in the turmoil of the third century as a result of the militarization of the state administration. Furthermore, after the third century, the term servus publicus had a different meaning: the servus publicus no longer designated the slave who was owned by the state (or by municipalities) and had auxiliary functions for the state, but a slave who worked for the emperor.
https://academic.oup.com/bics/article-abstract/64/2/30/6510969?login=false
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyLun 18 Sep 2023 - 13:25

Hum.

Je vois un peu mieux ce que tu veux mais j'ai peur de ne pas trop pouvoir t'aider.

Pour rebondir un peu sur ce que dit CF, quelque chose de particulier à la rome impériale c'est, les romains étant très légalistes et procédurier, cette création d'une notion de droit privé séparé du droit public et en ce qui concerne l'empereur et la fonction impériale, un patrimoine triple.

Le patrimoine privé de la personne devenant empereur, le patrimoine lié à la fonction impériale (le patrimoine de la "couronne" en termes plus proches de nous) et les biens publics, ie que l'empereur gère mais indirectement, qui ne sont pas directement de son ressort (même si évidemment, la distinction légale peut facilement être détournée dans les faits). Cela se perdra en occident avec les invasions barbares et les mérovingiens entre autres.

Ce qui s'applique aussi aux esclaves du coup. Et j'allais donc parler un peu de ça mais CF l'a fait et mieux que moi, je n'ai pas été cherché de sources.

Ensuite, sur ce que tu dis et qui me permet de rebondir sur l'article de CF, c'est qu'en effet les esclaves n'ont jamais été les seuls fonctionnaires impériaux à Rome, les grosses fonctions sont occupées généralement par des chevaliers (même si occasionnellement, un affranchi pouvait s'y immiscer) et les postes secondaires n'étaient pas que affaire d'esclaves.

Ensuite, sur l'influence du christianisme sur la fin de l'esclavage, elle est indéniable, idéologiquement, mais très loin d'avoir un effet immédiat et surtout, c'est le dernier clou dans le cercueil de l'esclavage qui est en effet en perte de vitesse tout au long de l'empire et particulièrement au bas empire.

Les guerres régulières et les conquêtes romaines ont permis l'établissement sous la république de grandes latifundia travaillées par des esclaves, avec une population servile rurale particulièrement importante en Italie et en Sicile (avec des grandes révoltes bien connues) mais d'une part, ce ne sont pas des esclaves publics, ils appartiennent aux grands propriétaires terriens.

D'autre part, s'ils permettent développer une agriculture d'exportation qui enrichit les grands propriétaires terriens c'est au détriment de la paysannerie libre qui s'appauvrit et s'exile (cf l'épisode des frères Gracques) donc je ne suis pas sûr que cela soit si bénéfique que cela à l'économie.
Enfin, ce modèle décline rapidement avec la diminution du nombre de guerres de conquêtes qui réduit le nombre d'esclave en circulation.

C'est, combiné avec la pratique, relativement courante, d'affranchir les esclaves, notamment ceux qui travaillent pour leur maître et sont autorisés à accumuler un pécule pour racheter leur liberté, ou à la mort du maître (Pratique de plus en plus répandue et contre laquelle les empereurs se sont sentis obligés de légiférer dès Auguste) la raison du déclin de la pratique (mais non de sa disparition).

Il faut s'approvisionner auprès de marchands spécialisés sur des populations étrangères à l'empire (étant donné qu'il y a des lois contre l'autre grand fournisseur d'esclaves dans l'histoire du monde, l'esclavage pour dettes), ce qui rend les esclaves plus couteux et moins bons marchés.

Pour ma part je ne dirais pas que cela a contribué à la chute de l'empire romain en tant que tel (il y a eu des solutions de remplacement), mais cela a pu créer des problèmes de main-d'œuvre et d'organisation du travail. Notamment pour les travaux les plus pénibles, qui avec les grandes pestes et les guerres civiles ont eu des répercussions sur l'économie.

Et c'est une des raisons sous-jacente à l'évolution du statut des hommes libres des campagnes qu'on installe sur les terres de grands propriétaires (les fameux "colonii" ancêtre des serfs dont je parlais). Et aussi une des raisons pour laquelle Rome s'est montré souvent si enthousiaste à l'installation de réfugiés barbares sur son sol. Au delà des recrues pour l'armée, très souvent (à quelques exceptions près) le statut de ces populations n'étaient pas très enviable et très proches de celui des colonii qui n'a cessé de se détériorer en les livrant au pouvoir et à l'arbitraire des grands propriétaires terriens.
Cela change un peu, pour les "barbares", avec l'inversion du rapport de force sur le dernier siècles de l'empire d'occident ou les foederati sont maîtres de leur terres et de leur population sur le sol romain (ou avec les grandes "bagaudes" en Gaule par exemple), avec les effets que l'on connait sur la stabilité de l'état.

Je m'éloigne un peu de ta thématique, mais juste pour dire que le christianisme s'il a eu un effet s'est répandu à une époque ou l'esclavage, en tant qu'institution à grande échelle ayant un impact fort sur l'économie était déjà moribond et la société romaine, contrainte à s'organiser différemment.

Je dirais que son impact (au christianisme) aura été plus grand sur la période médiévale ou l'esclavage quoi que toujours pratiqué était mal vu de l'église ce qui aura sans doute limité sa diffusion ou son retour à grande échelle.
Et même si à l'époque moderne et avec les grandes découvertes il y aura une grande hypocrisie autour de l'esclavage des indiens et des noirs, il restera toujours mal vu.
La controverse de Valladolid, indirectement (l'esclavage n'en est pas le thème principal) montre les doutes des élites sur certaines pratiques. Ou le fait que dans des pays comme l'Angleterre ou la France, où l'esclavage est légalisé dans les colonies, la pratique reste interdite en métropole au regard du droit coutumier.


Dernière édition par Keyser Pacha le Lun 18 Sep 2023 - 14:33, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyLun 18 Sep 2023 - 14:18


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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyLun 18 Sep 2023 - 15:25

Keyser Pacha a écrit:
Les guerres régulières et les conquêtes romaines ont permis l'établissement sous la république de grandes latifundia travaillées par des esclaves, avec une population servile rurale particulièrement importante en Italie et en Sicile (avec des grandes révoltes bien connues) mais d'une part, ce ne sont pas des esclaves publics, ils appartiennent aux grands propriétaires terriens.

D'autre part, s'ils permettent développer une agriculture d'exportation qui enrichit les grands propriétaires terriens c'est au détriment de la paysannerie libre qui s'appauvrit et s'exile (cf l'épisode des frères Gracques) donc je ne suis pas sûr que cela soit si bénéfique que cela à l'économie.
Enfin, ce modèle décline rapidement avec la diminution du nombre de guerres de conquêtes qui réduit le nombre d'esclave en circulation.
Ca participe particulièrement à mes interrogations. Ces grandes propriétés sont permises par l'afflux d'esclave. Est-ce qu'ils deviennent un enjeu de plus en plus grand des guerres romaines ? Et si ils ne sont pas "publics", ils participent à une socialisation de l'économie, de spécialisation des activités, à une diminution du travail "vernaculaire" - tu évoques celui de la paysannerie libre - et à une intensification des échanges marchands au sein de l'empire.

En tous cas merci beaucoup à tous pour votre participation à ma réflexion.
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capitaine Fracasse

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MessageSujet: Re: La vision du monde selon les Romains   La vision du monde selon les Romains EmptyLun 18 Sep 2023 - 22:17

Je ne suis pas sûr de comprendre, mais s'ils participent à une socialisation de l'économie, ce n'est certainement pas au sens qu'en donnent les socialistes : les latifundia n'étaient pas possédés collectivement par ceux qui travaillaient la terre (ils ne se possédaient pas eux-mêmes), mais étaient en bonne partie, si je ne me trompe, extorqués au peuple romain par de riches propriétaires terriens des classes sociales les plus élevées. L'on était beaucoup plus proche de la prise illégale d'intérêt que de la société coopérative agricole. L'ager publicus eut été usurpé par quelques grandes familles qui s'y taillèrent leurs propres domaines et ne daignèrent guère payer de redevance pour cela. C'est l'un des éléments de la question agraire.
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