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 Famille antique

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2 participants
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capitaine Fracasse

capitaine Fracasse



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MessageSujet: Famille antique   Famille antique EmptyLun 27 Juin - 13:41

À propos du droit de vie et de mort du père de famille romain, sur sa domesticité, j'ai trouvé ce long article extrêmement intéressant :
https://www.persee.fr/doc/efr_0000-0000_1984_act_79_1_2546

Il se penche assez spécifiquement sur la vitæ necisque potestas, à proprement parler le droit pour le père de famille de laisser en vie ou de tuer, de façon non-sanglante, ses fils.

Le père de famille, comme on le sait, n'est pas un simple père. Il est le citoyen romain plein et entier, complet, actif pourrait dire Sieyès et le plus vieil adulte mâle d'une famille, c'est à dire d'une maisonnée. Seuls les citoyens romains pouvaient être pères de famille. Sa puissance de décider de donner une mort sans effusion de sang (nex) ou de laisser en vie (vita) ses fils est donc une spécificité réservée à certains citoyens romains. Il faut déjà dire que cette puissance ne concerne que les fils. Si le père de famille peut également tuer sa femme, ses filles, ses esclaves, c'est en des cas extrêmement restreints et balisés, qui concernent généralement les bonnes mœurs (adultère, par exemple) alors que la puissance d'éliminer ses fils est générale. Elle est également distincte de l'exposition des enfants, puisqu'elle concerne des fils acceptés, membres de la famille.

J'ai souvent pu lire des doutes sur la pratique réelle et concrète de cette puissance qui avait force de loi des XII tables jusqu'en l'an de grâce 232. Il semble en fait que cette puissance générale n'était en fait applicable que lorsqu'elle tendait à servir une sorte d'intérêt général. Cette puissance s'explique en fait parce qu'en tant que père de famille, le citoyen romain est investi d'une autorité publique sur sa famille (c'est à dire sur sa domesticité). L'on retrouve ici quelques échos conceptuels de la Ire République française. Les Romains qui n'étaient pas pères de famille (c'est à dire dont un ancêtre était toujours en vie et qui n'étaient pas émancipés, indépendamment de leur âge ou de l'existence d'une descendance) n'étaient pas pleinement citoyens, mais des citoyens de second ordre, des citoyens passifs pourrait dire Sieyès, qui avaient besoin de l'intermédiation paternelle pour participer à la vie de la cité.

Et c'est justement pour cela que le père de famille était investi d'une telle puissance : il était, comme citoyen actif, l'intermédiaire entre la République et les citoyens passifs qui se trouvaient être ses enfants. Sa puissance était en fait celle de juger lui-même -assisté du conseil de famille- du mauvais comportement moral ou civique de fils plutôt que de laisser la Cité s'en charger. Tuer ses propres fils semblait probablement aussi cruel et indigne à l'époque que de nos jours et un tel parricide ne pouvait être compris que dans ces cas de faute grave contre les intérêts de la Cité (ou ce que l'on comprenait comme tel). Cette puissance générale était donc en fait extrêmement encadrée par l'opinion, même si elle était laissée délibérément générale pour couvrir tous les cas.

Quoi qu'il en soit, donc, cette puissance n'était pas un blanc seing donné aux pères de tuer leurs fils. Les abus de pouvoir étaient réprouvés, honnis et très sévèrement punis. L'article en donne plusieurs exemples.
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Keyser Pacha

Keyser Pacha


Age : 46
Localisation : Pleine tête !

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MessageSujet: Re: Famille antique   Famille antique EmptyJeu 30 Juin - 20:08

Je le savais déjà (pour avoir étudié Rome en licence et dans une première tentative de mémoire, un intérêt marqué pour l'antiquité en général et gréco-romaine en particulier (à laquelle j'ajouterais également punique ce qui me permettra de rebondir sur une autre discussion proche à la fin de mon message), mais je te remercie pour l'article et le message que je trouve très intéressant et qui rafraichit et affermit ce qu'il me semblait me rappeler de ce cas.
Je crois d'ailleurs que cela avait été abordé sur ce forum mais je ne saurais plus dire sur quelle enfilade.

Je rebondis sur "punique" car cela me fait penser, un peu, à la polémique sur les sacrifices d'enfant à Carthage.

Je n'ai pas le luxe d'un article résumant la question sous la main à partager, donc je vais résumer rapidement les hypothèses et éléments que j'ai lu sur la question.

Ces descriptions de sacrifices sont issus de sources extérieures, mais c'est obligatoire, car nous n'avons quasiment aucune source punique ayant survécue.
Il y a donc la notion de biais possible, en vue de diaboliser l'ennemi Carthaginois.

Tout comme il est possible que cela fasse référence à une pratique réelle.

Il semble avéré l'existence d'un espace funéraire spécial, dédié aux très jeunes enfants à Carthage (surnommé "Tophet" à cause de la bible) et dédié à Tanit/Tinit et Baal Hamon, son consort.

Il est également avéré que le sacrifice personnel soit une pratique, sinon courante, au moins existante, dans la tradition carthaginoise, que l'on retrouve à quelques occasions dans l'historiographie.
Généralement un adulte, important, se sacrifiant dans un bûcher pour laver un crime, affront envers les dieux, ou appeler à la victoire, ou au salut.

Le sacrifice d'Elyssa et de la femme d'Hasdrubal (parmi les trop nombreux Hasdrubal, celui qui défendit Carthage lors de la 3ème guerre punique) sont peut-être trop proches thématiquement l'un de l'autre (l'un à la fondation, l'autre à la destruction de la ville) pour être honnêtes et il y a peut être là un écho apocryphe plutôt que réel.
Mais en tout cas, cela ne serait pas unique.

Un dirigeant de la cité l'a fait en Sicile. Et il y a quelques autres occasions où cela se voit.

Partant, il est possible qu'un sacrifice personnel, un peu à la manière de la devotio romaine, ait été un moyen de la religion et de la culture punique d'attirer les bonnes grâces des dieux dans des situations difficiles.

Il n'est pas impossible d'envisager que le sacrifice volontaire d'un enfant, notamment d'un premier né, ait pu être une pratique réelle, en temps de crise, comme lors des moments les plus difficile des guerres puniques où cette pratique est citée.

Le Tophet est également un lieux où des restes d'animaux sont enterrés. Ce qui tend à pousser vers l'idée de sacrifice. 

Cependant, il y a des facteurs qui apportent un doute.

L'absence d'enfants dans les autres cimetières carthaginois, qui pourrait laisser penser que le Tophet est simplement un cimetière d'enfants. Pas nécessairement d'enfants sacrifiés.

Ou que l'on consacrait plus particulièrement les enfants décédés aux divinités tutélaires de la cité, peut être de manière sacrificielle (quand bien même la mort serait accidentelle).

A noter que les deux explications, cimetière normal dédié aux enfants décédés et lieu de sacrifice d'enfants ne sont pas mutuellement exclusives.

La présence de restes d'animaux pouvant être soit le signe d'un espace dédié à des sacrifices, soit qu'on substituait parfois des animaux à des enfants, soit que l'on sacrifiait peut être des animaux, pour sauver des enfants (malades).

La réalité étant qu'on en sait toujours rien, que les deux possibilité, réalité des sacrifices et invention d'ennemis de Carthage sont possibles (et encore une fois pas mutuellement exclusives, la plupart des cultures ont pratiqués les sacrifices humains, la rumeur romano-grecque peut se baser sur un souvenir d'anciennes pratiques. 
Les romains eux mêmes ont sacrifiés des humains pendant la seconde guerre punique, tout tabou que la pratique ait pu leur être (et on notera que les jeµx du cirques sont également une forme de sacrifice humain très ritualisé à l'origine).
Peut être que la pratique a été abandonnée puis rescucitée pendant les heures sombres de la ville par désespoir.

En tout les cas, il est à peu près certains que cela concernait essentiellement les élites, certainement dans une forme d'acte civique.
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