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 Guerres Puniques

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Keyser Pacha
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Cat Lord

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MessageSujet: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 9:00

Je suis étonné qu'on ait pas un fil de discussion sur le sujet.

J'y connais pas grand chose, mais sur twitter, il y a une discussion intéressante sur la bataille de Cannae revisitée:

https://twitter.com/bazaarofwar/status/1366767139156152321

On retrouve l'article original de l'auteur ici (plus agréable à lire):

https://bazaarofwar.com/cannae-what-really-happened/

:)

Cat
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Pero Coveilha
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Pero Coveilha


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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 9:04

Intervention de KP en 3, 2, 1... Wink

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"Politicians love activity : that's their substitute for achievement", Sir Humphrey, Yes Minister
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SP

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 9:55

C'est intéressant, mais ça réinvente l'eau tiède, rien de bouleversant de nouveauté quant à nos connaissances de la bataille.
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capitaine Fracasse

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 12:34

Bataille de Cannes en français.

Cannæ est un pluriel, "bataille de Cannae" aligne deux fautes d'accord : en nombre ("de" plutôt que des) et en cas (nominatif "Cannae", plutôt que génitif Cannarum ou adjectif Cannensis).

Bataille Cannarum, donc, si l'on veut mettre le toponyme latin plutôt que le français.
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Cat Lord

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 14:12

J'ai repris son nom anglais dans ma phrase.

Cat
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Bob Lafayette

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 3 Aoû 2023 - 20:22

https://digitalmapsoftheancientworld.com/digital-maps/roman-republic/the-second-punic-war-218-201-bc/

Il y a de quoi s'amuser à fouiller le site, comme pour Clunypedia, il me semble que c'est un outil amusant.
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyDim 6 Aoû 2023 - 15:24

Hehe, j'arrive avec retard, mais je suis bien là.

Le problème du double encerclement avec une armée en infériorité numérique dont le centre s'effondre se pose toujours quand on prend le compte rendu de la bataille, aride comme presque toujours pour ceux de cette période (et encore, c'est l'une des mieux décrites) et que l'on se réfère au rapport de force pur. En toute logique les romains auraient du percer, comme les grecs à Marathon, ou comme ils l'ont fait dans les batailles précédentes contre Hannibal. Et ils ont failli le faire.

Mais l'explication la plus satisfaisante intellectuellement (ou pour une compréhension naturelle disons) que j'ai eu l'occasion de lire (et qui a été une épiphanie pour moi, qui ne comprenait pas comment Hannibal avait pu gagner même une fois l'armée romaine encerclée) de la bataille était assez similaire à celle-ci, mais un peu différente...

Elle expliquait l'impuissance romaine à percer la ligne, à contrer l'encerclement, puis à résister à l'anéantissement alors que les massacreurs sont en infériorité numérique, par une explication liée à des phénomènes de mouvement de foule.

Hannibal aurait en fait (et l'explication donnée dans ton lien va dans ce sens, en insistant sur le déploiement et ses conséquences) misé sur la psychologie et sur les mécaniques de foules pour vaincre les romains en profitant de leur force, leur nombre et leur masse.

Son déploiement en croissant signifie que la bataille est débutée par une partie de son armée et de l'armée romaine, mais effectivement, il mise que les romains, qui ont choisis dès le début de briser son centre, vont naturellement converger sur celui-ci.

Le déploiement en croissant (qui est c'est vrai, assez souvent évacué sans explications dans la plupart des comptes rendus de la bataille, alors qu'il est assez unique et donc, mérite qu'on s'y attarde) est une sorte de "ligne oblique" conceptuellement, il incite les romains à engager une partie de sa formation tout en protégeant le reste de sa ligne le plus longtemps possible de la pression romaine (due au surnombre et à la supériorité matérielle de leur infanterie).

Là où le lien de Cat insiste sur le côté presque géométrique des conséquences du déploiement, l'explication par les mécanismes de foule insistait plus sur le côté psychologique et la vue et l'initiative limitée des premières lignes. IE la psychologie. Mais les deux explications se rejoignent sur l'effet final.

De fait, le centre romain va se concentrer sur un point réduit du centre carthaginois et quand celui-ci recule, comme prévu, la tendance naturelle va être de concentrer les hommes sur cette faiblesse apparente en envoyant des manipules en renfort.
Ce qui crée une masse difficilement contrôlable au centre du dispositif romain.

Quand les ailes Carthaginoises gardées en réserve (et en colonne au lieu de ligne d'après certaines descriptions) et composées des meilleures troupes sont engagées, elles semblent avancer contre personne puisqu'elles avancent et encerclent les romains sans opposition.
Cela veut dire que les romains ont déjà réduit leur front à ce moment de la bataille et sont déjà pêle-mêle au centre du champ de bataille.
La source qui les donne en colonne (Tite Live ou Polybe, je ne sais plus, probablement Tite Live, il donne généralement plus de détails de ce genre) indique qu'ils n'ont qu'à pivoter pour former une ligne sur les flancs des romains.

La cavalerie qui revient, à ce moment là, ou plus tard (la chronologie exacte n'est pas connue et il y a beaucoup de conjecture sur le déroulé minute par minute), de sa poursuite de la cavalerie romaine vient compléter l'encerclement.

Mais dans cette lecture mécanique du massacre à venir, ce n'est pas l'encerclement effectif le problème.
La cavalerie n'a probablement pas fermée l'encerclement au sens conventionnel, comme on le voit sur les schémas, ou dans les jeµx vidéos, en chargeant et restant au contact. Mais a simplement fermée la porte de sortie (en empêchant une retraite en menaçant d'anéantissement les fuyards (et probablement en anéantissant effectivement bon nombre de fuyards isolés) et probablement forcée les unités à l'arrière du dispositif romain à se resserrer et à se replier dans le dos de leurs camarades déjà engagés à l'avant pour éviter qu'ils ne soient balayés isolés.

On aurait eu à ce moment là de la bataille non plus une armée romaine, disposées en unités (manipules et centuries) prête à engager le combat, mais une masse humaine compressée, désorganisée, avec des mouvement de foule et probablement des morts par étouffement et piétinement, avec des officiers incapables d'organiser toute résistance ou tentative de percée, car menacée de tous côté et confronté à l'instinct des soldats de chercher le soutien du reste du groupe en resserrant les rangs, jusqu'au piège.

Les sources parlent d'hommes qui se laissent tuer sans résister, épuisés, incapable de résister faute d'espace.

Ce qui donnerait du crédit à cette vision de la bataille.

Hannibal a beaucoup de mérite en tant que général sur cette seule bataille.

Ses troupes, composées de divers contingents à la loyauté douteuse et ne partageant pas la même langue, ont accompli un plan compliqué sans grosse faute. Le centre à failli rompre, il aurait même effectivement rompu selon certaines sources, mais Hannibal s'y attendait et son plan le prenait en compte.
Il s'est placé au centre avec son frère Mago sans doute pour encourager la résistance (et rassurer les "sacrifiés" du centre sur le fait qu'ils n'étaient pas abandonnés à leur sort) mais aussi s'assurer qu'il pourrait éviter une déroute totale en cas de problème.
Cela signifie aussi, par contre, qu'il a délégué le cours de la bataille à ses subordonnés, puisqu'il était lui même au coeur de la mêlée sans vision globale. Ce qui est rare à cette époque et à fortiori pour un général carthaginois ou romain.

Il a anticipé le déploiement et la tactique romaine (sans quoi il n'aurait sans doute pas engagé une bataille rangée) et il les a sans doute incité à se déployer sur ce champ de bataille là (la bataille a lieu sur la rive opposée de la rivière à là où se trouvent les camps et où les armées s'étaient déployés, sans se battre, les jours précédents) en les laissant croire que la plaine plus réduite en s'ancrant sur la rivière d'un côté et des collines boisées de l'autre confortait leur déploiement alors que c'était un piège.

Cela protégeait les romains, en apparence, d'un contournement par sa cavalerie plus puissante et nombreuse tout en leur garantissant de percer au centre par simple poids. Mais dans les faits ils se sont amassés sans possibilité d'essayer de profiter du nombre pour encercler Hannibal eux même se limitant à un seul et unique moyen de l'emporter et cela ne les a même pas protégé de l'encerclement par la cavalerie punique...
Car Hannibal a usé de la même idée générale pour sa cavalerie mais contre eux.

En concentrant sa puissance de choc, sa cavalerie de choc, sur un seul flanc et sur un front réduit, il a rendu nulle toute possibilité de prise de flanc et de victoire par la manœuvre de sa cavalerie, mais il était assuré de l'emporter par le seul poids du nombre et de l'équipement.

Et là c'est un autre succès bluffant des armes carthaginoises ce jour là, le contrôle exercé par les officiers sur la cavalerie qui obéit et ne poursuit pas outre mesure les romains pour se reformer et fondre sur l'autre flanc et la cavalerie alliée romaine qui a été réduite à l'impuissance également, malgré sa force plus grande, par les cavaliers légers numide qui la harcèlent en refusant le combat.

Tout semble s'être déroulé selon le plan.

Ce qui est assez incroyable. J'ai tout lieu de croire que même dans l'esprit d'Hannibal il y avait pas mal d'inconnues ce jour là, de paris risqués et de chance.

Enfin, le massacre n'est pas complet, la grosse garnison des camps n'est pas touchée par le désastre et un gros contingent réussit à s'extraire de l'encerclement et rejoindre Varron, dans une ville à proximité.

Ce qui renforce ma vision d'un encerclement "technique" par la cavalerie, mais pas total comme on le voit dans les représentations. Les cavaliers ont sans doute chargés et détruit les fuyards désorganisés mais n'ont pu empêcher le passage d'un gros corps a peu près organisé.

Quand aux romains qui n'ont pas pu/su s'extraire, de plus en plus compressés, etouffés, assoifés, fatigués, aveuglés, désesperés, ils ont été massacrés, pas non plus jusqu'au dernier, il y a beaucoup de prisonniers d'après les sources, mais presque.
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyDim 6 Aoû 2023 - 15:52

Il y a un autre aspect sur lequel il faut sans doute revenir à propos de cette bataille pour comprendre ce qui s'est passé réellement ce jour là.

C'est le rôle de chacun des consuls romains le jour de la bataille.

La tradition donne le commandement, l'initiative de la bataille et la responsabilité de la défaite au seul Varron. Scipio jouant le rôle de la voix raisonnable ignorée, de l'homme honorable faisant son devoir contre son meilleur jugement et mourant les armes à la main courageusement et vertueusement, pendant que le lâche Varro s'enfuit au milieu de la bataille.

Le gros de l'argument révisionniste repose sur nos sources, favorables à l'aristocrate issu d'une maison illustre et défavorable à l'homme neuf, issu du peuple. Surtout Polybe, une des sources principales, hôtage et hôte des Scipions et qui a écrit en ayant eu accès à leurs archives, sous leur protection et patronnage... Guerres Puniques 749155

Or il y a plusieurs éléments qui laissent penser que l'histoire a pu être modifiée en faisant de Varron le bouc émissaire à postériori.

Ils ont tous deux été élus sur une volonté du peuple de mener une grande bataille contre Hannibal en réaction à la tactique efficace mais impopulaire du dictateur Fabius "le temporisateur", ils étaient donc sans doute d'accord sur le fait de rechercher la bataille et sur le plan général, profiter du nombre pour percer le centre, comme dans les batailles précédentes.
Je n'ai plus en tête la liste de tous les détails temporels, mais il y a des incohérences dans la succession des commandements et les actions de l'un et de l'autre si celui qui voulait la bataille était Varro (ie le changement de camp et de côté de la rivière ne sont pas cohérents avec la lecture "classique" des évènements).
Scipio est placé à la tête de la cavalerie romaine sur le flanc droit, la place d'honneur et qui revient normalement au général au commandement de la bataille et Varro à la tête de la cavalerie alliée sur le flanc gauche. Scipio se téléporte de l'aile droite anéantie au début de la bataille (parfois sauvé par son fils, l'africain) pour mourir dans la masse des romains, au centre, là ou l'officier en charge de la bataille serait allé en toute logique une fois la bataille engagée.
Le lâche Varro fuit la bataille (à la tête de la cavalerie alliée, en relativement bon ordre), mais ne va pas très loin et rallie efficacement une partie des fuyards, ce qui lui vaut les honneurs du sénat et de la ville. Ce qui n'est pas très cohérent s'il était le responsable du désastre (et même si on accepte la lecture que c'est un geste du sénat pour sauver les meubles et les apparences).

Enfin un dernier point, le plan romain n'est pas mauvais.

Mais l'exécution laisse à désirer, surtout face à quelqu'un qui joue avec un coup d'avance...
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyDim 6 Aoû 2023 - 16:49

Ce n'était pas un Scipio qui était consul (même si le futur Africanus était de la bataille, soi-disant le seul à quitter le terrain en bon ordre ; le père je ne sais pas), mais un de la gens Emilia, qui meurt pendant les combats. Il y a toute une histoire sur le fait qu'une tradition familiale l'engageait à faire un seppuku rituel, il y avait même une règle spéciale sur ce point dans l'adaptation de cette bataille dans le wargame SPQR...


edit : lui
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyDim 6 Aoû 2023 - 17:27

Ah oui, autant pour moi, c'est un Aemilius Paullus, le père Scipio et l'oncle sont en Espagne.

Je confond avec la bataille du Tessin je pense (l'épisode ou Scipio le futur africain (ou un esclave ligure anonyme) sauve son père), mais l'idée de la répétition du motif (sur deux batailles) était probablement, je crois me rappeler, un argument pour remettre en cause la tradition justement (mais je me rappelle peut être juste mal).

L'hôte de Polybe étant Scipion Emilien, il est à la fois l'héritier des Scipions (par adoption) et des Aemiius Paullus (directement). D'où le biais contre Varron.

Sinon pour en revenir à ce que je disais, le lien de Cat et ce que j'avais lu sur la bataille de Cannes comme un vaste mouvement de foule provoqué artificiellement (et sciemment) se rejoignent énormément.

C'est juste que dans le lien de Cat, l'accent est mis sur le déploiement qui cause le tout directement, par effet géométrique presque, alors que dans la version que j'avais déjà lue, l'accent était vraiment mis sur la psychologie individuelle et de groupe.

Que face à un ennemi, on va avoir tendance à converger vers le plus proche. Que quand on est immobilisé, qu'on ne voit pas grand chose de ce qui se passe et que si d'un seul coup ça avance, on a tendance à suivre là où ça avance.
Que si l'ennemi recule, on a tendance à s'engouffrer pour essayer de forcer l'issue.

Et que Hannibal a sans doute joué de tout cela, en provoquant sciemment un embouteillage avec son déploiement en croissant inversé qui va d'abord déranger la ligne romaine en attirant comme un aimant plus d'unité qu'il ne devrait, puis, quand il recule, va attirer un nombre de plus en plus grand de romains vers le centre, comme un entonnoir et par la masse accumulée briser les unités, la formation et le commandement.

En gros la même chose, mais en mettant l'accent sur d'autres considérations.

Une vue du sol, individuelle (tel que vécu par les gens qui étaient présent à la bataille) face à une vue du ciel, plus classique, de cartes et de flèches, qui est plus celles d'historiens et de commentateurs.
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyDim 6 Aoû 2023 - 17:44

Un des éléments qui revient régulièrement dans les analyses de la bataille que j'ai pu lire ici et là, c'est que les légions, dans leur avance centrale, fonctionnaient d'une manière très mécanique, les lignes "hastati-principes-triarii" se succédant comme dans le manuel, et ayant été incapables de réagir efficacement à l'évolution de la situation. Généralement à cette analyse se rajoute l'idée que c'était la force du système manipulaire, la capacité à mener une attaque généralement écrasante même si le commandement n'était pas particulièrement efficace, qui trouvait ici ses limites dans le fait qu'à ce moment, Hannibal avait pu anticiper ce type d'action trop prévisible.

Sinon, oui, je suis assez d'accord quant à l'idée que c'est l'embouteillage des 8 légions, assaillies de tous les côtés dans une nasse où elles ne pouvaient plus manœuvrer, qui a probablement déclenché la panique et le carnage qui a suivi. On a eu bien assez d'exemples de morts par milliers lors des grandes "bousculades" récentes pour donner du poids à cette hypothèse.
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyDim 6 Aoû 2023 - 18:13

Il ne faut pas non plus oublier qu'une bonne partie des 8 légions et alliés levés sont des premières levées.
Les pertes des batailles précédentes obligent les romains à puiser dans leurs réserves humaines et sans doute à recruter un grand nombre de nouveaux combattants sans expérience.

Une partie des légions participant à la bataille (la moitié à peu près de mémoire ?) sont déjà levées et ont fait campagne contre Hannibal avec Fabius et son maître de cavalerie Marcus Minucius Rufus ayant l'expérience du combat et ayant surement bien été entraîné. Les autres légions sont levées plus hâtivement et avec des effectifs gonflés par rapport à ce qui se fait habituellement tant les légions que les ailes d'alliés.
Cela a du avoir un impact, ces troupes inexpérimentées (relativement, il y avait des vétérans d'autres campagnes dans leur effectif quand même).

D'autant, pour revenir sur ce que disait SP juste au dessus et l'enchainement mécaniques des trois lignes, hastati, principes, triarii, que le terrain étant étroit et le plan étant d'enfoncer le centre, les légions sont déployées beaucoup plus en profondeur que d'ordinaire nous dit-on.
Je ne suis pas sûr de moi sur le nombre de rangs, mais beaucoup plus de profondeur que d'ordinaire c'est assuré et c'est confirmé quand on regarde la longueur de la ligne rapportée au nombre d'hommes.
Les manipules étaient aussi probablement plus compact que d'ordinaire (IE moins d'espace pour chaque combattant).
Ces deux éléments ont du rendre les mouvements tactiques (comme le changement de ligne évoqué par SP) encore plus compliqué que d'habitude. Et n'ont fait que s'additionner avec le déploiement d'Hannibal pour créer le désastre.

Hannibal a créé les conditions pour que l'armée romaine se batte toute seule à Cannes en fait.
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Keyser Pacha

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyMer 9 Aoû 2023 - 16:45

Tiens, je vais profiter de l'enfilade pour échanger avec vous sur Zama.

Le consensus sur la bataille est que l'armée de Scipion était inférieure en nombre (mais à l'exception d'un corps de 6000 fantassins numides qui ne sont pas évoqués dans le récit de la bataille (et n'ont donc probablement pas combattu, ou avec les vélites en début de bataille et peut-être en accompagnement de la cavalerie, comme cela s'est souvent fait)) de très bonne qualité, composée de vétérans aguerris et de volontaires, bien entrainé et avec une série de succès devant elle.

On lui donne entre 20 000 et 25 000 fantassins et 6000 cavaliers dont 4000 numides.
Ses légions étaient gonflées au départ pour l'Afrique, mais ses pertes et garnisons (Utique, sièges etc) ne sont pas données ce qui doit réduire son effectif disponible pour la bataille mais dans une proportion sur laquelle nous ne pouvons que spéculer.

Il s'est déployé suivant le mode habituel, en 4 lignes (3 + 1).

Les tirailleurs devant, les hastati, les princeps puis les Triarii, seule subtilité, les manipules sont probablement en colonne plutôt qu'en quinconce pour laisser passer les éléphants dans les intervalles.
La cavalerie romaine et alliée, italienne donc, d'environ 2000 hommes sur sa gauche et les numides, 4000, sur sa droite.

L'armée d'Hannibal est divisée également en 4 lignes pour une fois (je crois que c'est la seule bataille où son déploiement est donné comme une série de lignes successives plutôt qu'en une seule grosse formation.

Les tirailleurs sont devant et on ne sait pas grand chose, ni leur nombre, ni la provenance, ni la qualité.
Il n'a, à ce moment là, probablement plus beaucoup de frondeurs baléares ou de troupes espagnoles.
Ce sont probablement principalement des levées "africaines" et peut être quelques uns des mercenaires ibériques liguriens et celtes.

Derrière, une première ligne composée des mercenaires (ibères, liguriens et celtes donc) que les sources donnent autour de 10-12 000 hommes.

Un peu en retrait une seconde ligne composée de levées "africaines", des citoyens avec sans doute des libyens, autour de 10-12 000 hommes également

Et en dernière position les vétérans qu'il a pu ramener avec lui d'Italie, que l'on considère généralement plus nombreux que les deux premières lignes 15-20 000 hommes.

On estime donc son armée à 40-50 000 hommes dont pas plus de 4000 cavaliers, numides et africains (Carthaginois probablement, mais peut etre aussi, comme pour l'infanterie des contingents libyens et liby-phéniciens) et environ 80 éléphants déployés en première ligne derrière ou avec les tirailleurs.

Sa cavalerie, inférieure aux romains pour une fois, est déployée symétriquement à celle de Scipion. Les numides face aux numides et les cavaliers africains face aux italiens. On ne sait pas comment ils sont répartis numériquement, mais il est probable qu'il y ait eu plus de numides.

Il y a pas mal de choses à noter sur cette armée et le déploiement d'Hannibal, ainsi que sur la manière dont la bataille va se dérouler.

D'une part, là c'est moi qui insiste sur ce point, j'ai remarqué en lisant Polybe que lorsque les carthaginois lèvent des armées parmi les citoyens (bataille de Bagradas, guerre des mercenaires et là l'invasion de Scipion) les effectifs donnés sont toujours assez cohérents : autour de 10 000 fantassins, 2000 cavaliers et une centaine d'éléphants.
A Bagradas ils ont beaucoup plus de cavaliers, le double, mais cela inclut probablement un contingent numide et/ou de propriétaires terriens puniques/liby-phéniciens.

On parle peu, voire pas, de l'organisation militaire carthaginoise, à part pour dire qu'ils utilisent surtout des mercenaires, ce qui est vrai et que leur citoyens ne sont pas des bons soldats...
C'est possible, mais pour ma part j'attends toujours de le voir prouvé par les sources dans les faits plutôt que par les paroles, même quand la lecture des faits donne le contraire... Guerres Puniques 749155

En effet, pour une bataille des grandes plaines; où Scipion écrase une armée combinée numide et carthaginoise avec une facilité déconcertante, en attaquant leurs camps de nuit.
Nous avons plusieurs exemples qui laissent douter de la mauvaise qualité proverbiale des levées puniques.
D'une part la victoire de Bagradas (en étant certes commandés par un mercenaire spartiate et après qu'il les aient ré-entrainés mais il faudra que je revienne là dessus, c'est un aspect qui m'a fait réfléchir à l'équipement et la manière de combattre des levées puniques), les combats de la guerre des mercenaires contre les libyens qui sont, d'après la lecture orthodoxe, censés fournir les meilleures troupes "africaines" et les mercenaires, expérimentés, qui sont vaincus (grâce, certes, au commandement d'Hamilcar) et enfin, Zama.
Qui, si elle est une défaite où la ligne d'africains fuit la pression romaine, cela ne se fait pas avant d'avoir mis à mal les hastati et donné du fil à retordre aux princeps... Mais je vais plus vite que la musique. Guerres Puniques 749155

Tout cela pour dire que si l'on ne sait rien de leur organisation, il semblerait que la levée de 12 000 hommes, 2 000 cavalier et 100 éléphant soit fréquente. Cela signifie sans doute que c'est considéré comme un minimum.

A comparer avec une armée consulaire romaine, 2 légions, soit 8600 fantassins et 600 cavaliers. Une force inférieure mais d'un ordre de grandeur similaire. Et renforcée à l'époque des guerres puniques par les 2 ailes d'alliés qui doublent l'effectif (et plus encore pour la cavalerie) autour de 18 000- 19 000 hommes dont 2400 cavaliers.
Une force plus conséquente cette fois, mais dans un ordre de grandeur comparable.

Doit-on y lire une forme d'organisation militaire type ? Dur à dire. Et je spécule sans doute sur quelques exemples en réalité difficilement comparables, mais ça m'a toujours interpelé.

Pour en revenir à Zama, nous avons donc un contingent de 10 à 12 000 fantassins africains et quelque chose entre 1500 et 2000 cavaliers "africains" plus les 80 éléphants.

Cela constitue une des trois armées amalgamées ensembles pour Hannibal et qu'il commande à Zama. Et qui sont divisées en ces trois lignes.

Les mercenaires sont les restes des désastres précédents et pour une large part, sans doute (j'utilise beaucoup cette expression, mais il faut reconstituer pas mal d'informations à chaque fois et faire des hypothèses), les restes de l'armée levée par Mago (le plus jeune frère d'Hannibal) pour soutenir les opérations d'Hannibal en Italie et bloquée en Ligurie, mais sans Mago, mort sur le trajet du retour de ses blessures.

La seconde ligne est donc composée d'une armée de citoyens et/ou de tributaires libyens et de colons puniques/liby-phéniciens.
Pour ma part je pencherais plutôt pour une levée de citoyens vu la situation dramatique (mais tous les populations encore loyales ont pu être mises à contribution).

Et enfin la dernière ligne composée des vétérans.

Le déploiement en trois lignes est unique pour Hannibal et je n'ose croire que l'imitation de la tactique des romains soit la seule chose à l'œuvre ici.
Il y a plus fondamentalement, à mon avis, une méfiance vis à vis des deux contingents qu'il découvre a son arrivée en Afrique et qui sont amalgamés avec son armée "privée" avec plus ou moins de bonheur.

Sans compter l'inconnu de la qualité disparate des troupes et des officiers les composants.



La bataille est à la fois intrigante par un déroulement un peu complexe tout en étant sans grand raffinement tactique, sans embuscades, ou stratagèmes.

Pour la résumer brièvement, après l'affrontement habituel des tirailleurs qui masquent le déploiement, la bataille commence par une charge massive des éléphants sur le centre romain.
Les éléphants sont soit canalisés dans les espaces crées et éliminés, soit rendus fous par les projectiles et le vacarme et foncent dans la cavalerie africaine, qu'ils désorganisent considérablement, nous dit-on.
Laelius, le commandant de la cavalerie romaine en profite et fait charger ses cavaliers achevant une déroute rapide de la cavalerie (probablement lourde) africaine...
Sur l'autre flanc, nous avons moins d'informations, mais les numides de Massinissa plus nombreux, surtout s'ils sont appuyés par une partie de l'infanterie numide comme je l'ai proposé au début, défont également leurs opposants et les mettent en fuite.

Comme à Cannes, tout va se jouer sur le combat d'infanterie du centre. A l'opposé de Cannes, Hannibal à la supériorité numérique pour lui, à défaut de la supériorité qualitative.
Les romains avancent boucliers levés pour se protéger des projectiles et les hastati chargent les mercenaires qui ne tiennent pas très longtemps et fuient, mais trouvent la ligne de retraite bloquée par la seconde ligne de citoyens qui ne leur ouvrent pas les rangs.
Certaines sources nous parlent de confusion et même de combats fratricides pour se frayer un chemin.

Finalement, les mercenaires survivants se rabattent sur les ailes de la seconde ligne et se replient laissant les citoyens affronter les hastati... Et les repousser... D'après Polybe.
Les princeps entrent dans la bataille et après un combat acharné, la seconde ligne carthaginoise finit par plier aussi et se replier en désordre (avec probablement beaucoup de pertes, comme les mercenaires, dans le chaos et la poursuite) mais peuvent se replier sur les extrémités de la troisième ligne carthaginoises qui fait désormais face aux romains.

Là, le mouvement le plus technique de la bataille a lieu, les romains face à une ligne plus longue que la leur et menacés d'encerclement s'ils attaquent directement s'arrêtent, se réorganisent et étendent leur ligne sur la même longueur que celle de leurs adversaires, puis la mêlée reprend et les romains n'ont pas cette fois-ci l'avantage, mais la cavalerie revient opportunément de sa poursuite d'après les sources et charge la ligne carthaginoise de dos ce qui la détruit.

Hannibal fuit avec une partie de l'armée, mais la plus grosse part de celle-ci est perdue dans l'encerclement et la poursuite. Il renonce à défendre Carthage avec ces forces réduites et pousse à la paix.

Ce déroulé, tout en un affrontement frontal, par vague successives, manque clairement de la roublardise habituelle d'Hannibal.
Et même côté romain, à part l'extension de la ligne, qui demande un bon niveau d'entrainement, de contrôle et de commandement, on ne retrouve pas non plus les manœuvres habituelles à Scipion, celui ci ne semble compter que sur le choc frontal de son infanterie et sur sa supériorité en cavalerie.

Alors, j'aurais tendance à y voir quelque chose de similaire à la citation que l'on prête à Wellington à propos de Napoléon à Waterloo, comme quoi c'est finalement un puncheur sans surprise. Guerres Puniques 749155

Est-ce un Hannibal, vieux, usé, fatigué, qui fait le service minimum ?
Ou est-ce deux très bons généraux, équivalents, qui se font face et qui en se méfiant l'un de l'autre livrent la bataille en prenant le moins de risques possibles ?

Pour moi cela serait plutôt la deuxième réponse mais je suis mon monologue avec un autre post sur ma lecture de la bataille et de son déroulé.


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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyMer 9 Aoû 2023 - 17:32

J'ai déjà livré des indices sur ce que je crois deviner derrière la manière dont la bataille s'est jouée.

Hannibal a un déficit en cavalerie, pas si important d'un point de vue purement numérique mais global et qui l'oblige à combattre sans pouvoir l'utiliser pour obtenir la victoire.
Le mieux qu'il puisse faire avec est de gagner du temps pour empêcher les cavaliers romains de l'encercler. Il peut sans doute, avant la bataille, penser l'emporter sur le flanc ou est situé sa cavalerie africaine contre les italiens, les cavaliers carthaginois africains se sont généralement bien comportés au combat, mais ils sont probablement en infériorité numérique, même très légère et nous ne savons rien de leur qualités respectives.
Les cavaliers romains sont motivés et aguerris, les africains sont vraisemblablement levés récemment...

Hannibal a l'avantage en infanterie, avantage numérique et peut être même qualitatif avec ses vétérans. Mais nous ne savons pas grand chose de la qualité du reste de son armée. Si l'on suit Polybe, les mercenaires font pâle figure, les citoyens se battent bien et les vétérans tiennent, voire gagnent, jusqu'au retour de la cavalerie.

Revenons sur deux aspects du déploiement d'Hannibal qui m'interpellent :

Les éléphants placés en première ligne, devant, face à l'infanterie lourde.

Cela peut nous sembler logique, habitués que nous sommes à considérer les éléphants comme les chars d'assaut de l'époque, mais cela n'est pas si habituel que cela.

Il me semble qu'ils sont bien plus souvent déployés soit en réserve quand le général en a peu, soit sur les flancs face aux éléphants ennemis ou à la cavalerie (sur laquelle ils auraient eu un effet conséquent d'après les sources) quand le général en dispose en plus grand nombre.

Ici Hannibal en a un nombre conséquent, mais ils viennent visiblement de finir d'être entraînés pour la bataille et le déroulé de celle-ci laisse à penser que le résultat n'est pas extraordinaire... Guerres Puniques 749155

Alors pourquoi Hannibal les a déployés en première ligne ?

Ce que je pense, c'est qu'il voit qu'il ne gagnera pas la bataille de cavalerie mais peut être pense-t-il que les éléphants ne seront pas assez bien entrainés pour être décisif sur les flancs (Ce qui aurait été la place, que moi, avec le recul et l'ignorance des tous les éléments, je leur aurais choisis, pour compenser le manque de cavalerie).

Donc, il envisage une charge "suicide", "banzaï" sur le centre romain pour le désorganiser.

Peut-être pense-t-il aussi que ses mercenaires ne sont pas très fiables et qu'ils auront besoin de ce coup de main pour obtenir un résultat.

Le déploiement en 3 lignes d'infanterie maintenant (plus les tirailleurs), cela imite le triplex acies romain, certes, mais j'y vois plus un niveau de confiance.

Les mercenaires peu fiables en première ligne, les citoyens plus fiables (car motivés) en seconde ligne avec pour consignes nette d'après les sources de ne pas laisser les mercenaires passer leurs rangs, pour ne pas les désorganiser.
Si la consigne était nette dans le briefing d'avant bataille (pour les commandants), peut être avait elle aussi pour but de faire comprendre aux mercenaires qu'il faudrait combattre.
Enfin ses vétérans en ultime réserve.
Cela fait penser aux triarii, au fait de garder ses unités les plus précieuses pour le moment décisif bien sûr et aussi, peut être, comme un échelon disciplinaire également chargé de s'assurer que les premières lignes ne lâchent pas trop vite.

Ils sont cependant plus en retrait... Cela doit obéir à une raison (que j'ignore).
Et ils sont plus nombreux, ce qui signifie que leur ligne est plus longue.
Que cela soit volontaire ou un simple effet mathématique, cela signifie que sans la manœuvre au milieu de la bataille, les romains se seraient encerclés tout seul en avançant à la poursuite des deux premières lignes.
Surtout s'il a pu rallier des troupes des premières ligne et étendre encore plus sa propre ligne.

Une telle manoeuvre sans être donnée directement dans les sources n'est pas impossible et l'allongement de la ligne romaine sans opposition de la part des carthaginois signifie peut être qu'ils étaient eux aussi occupés à faire la même chose.
On aurait eu là une série de mouvements et de contre-mouvements de la part des deux généraux pour essayer de s'envelopper qui rend la bataille plus technique.
Surtout si l'intention initiale d'Hannibal était bel et bien de laisser des romains impétueux confiants dans les succès contre les deux premières lignes venir s'empaler contre des vétérans, étalés sur un front plus large, qui les auraient naturellement encerclés sans rien faire d'autre, comme à Cannes.

Du coup, qu'est ce que j'en conclus ?

Hannibal avait l'avantage en infanterie, mais avec des troupes de qualités discutables, au moins pour certaines, pas en cavalerie et un joker à jouer avec ses éléphants.

Il fait face à un adversaire redoutable, une ruse simple ou grossière ne fonctionnerait pas, surtout sur les grandes plaines de cette partie de l'Afrique du nord. Le seul élément topographique sur lequel il peut s'appuyer pour changer le cours de la bataille se sont les collines qui entourent son camp.
Elles masquent la vue du champ de bataille aux cavaliers partis en poursuite et peuvent avoir masqués une partie de sa troisième ligne au reste de l'armée romaine.

Je pense que son plan était aussi simple qu'il en a l'air, face à un général compétent, les plans simples sont les meilleurs.

Utiliser ses éléphants pour désorganiser le centre romain, compter sur son surnombre pour le rompre, par vague successive (y compris en valeur, à la romaine) avant de porter le coup décisif avec ses vétérans et profiter de leur propre nombre (au maximum presque aussi nombreux que toute l'infanterie lourde romaine, au pire, un peu moins nombreux, mais renforcés par les deux premières lignes) pour encercler les romains.

Ce déploiement en trois lignes sert donc potentiellement plusieurs rôles.

Celui de s'assurer de la combativité des troupes les moins fiables, garder une réserve décisive et permettre un encerclement.

S'il s'était déployé tout de suite très en longueur en exploitant son avantage numérique, Scipion aurait flairé l'affaire et aurait trouvé une parade. En engageant la bataille avec plusieurs lignes, équivalentes au front de l'armée romaine, il s'assure d'endormir leur méfiance sur un potentiel encerclement, surtout avec son infériorité en cavalerie.

Pour sa cavalerie, son rôle est simplement de gagner le plus de temps possible.

Alors qu'est ce qui fait la différence entre la victoire et la défaite ? Plusieurs choses je pense.

L'échec total de l'attaque des éléphants qui ne servent à rien et qui au contraire font même partir en déroute son aile de cavalerie lourde.
Cela lui dégarnit complètement un flanc de manière totalement prématurée et inattendue je pense.
Je ne suis pas sûr que la faible performance des mercenaires, si elle était attendue (tel que je lis son déploiement en tout cas, avec le recul) était souhaitée pour autant.

Visiblement, s'il y a vraiment eu une volonté de créer un piège pour encercler les romains comme je le pense et si ce n'est pas un évènement lié uniquement au hasard des combats, Scipio n'est pas tombé dans le panneau, a vu le piège et surtout a été en mesure de contrer le danger efficacement (même si l'on débat encore de savoir par quel procédé tactique cela s'est fait. Hannibal a pu étendre sa ligne "naturellement" en ralliant les fuyards des lignes précédentes sur les flancs par où ils sont passé pour se replier (puisqu'on ne leur ouvre pas les rangs), les romains eux ont du faire jouer des réserves, les triariis probablement, mais comment ceux-ci sont ils montés en ligne et comment les manipules de hastati et de princeps se sont redéployés est mystérieux.

Ne restait plus à Hannibal qu'à gagner par le poids du nombre et la qualité de son ultime réserve. Ce qui aurait peut être pu suffire, si la cavalerie romaine n'était pas revenue avant que ses italiens ne rompent le front romain.

La mention par les sources de ce retour très opportun, sans qu'elles évoquent une quelconque préméditation de la part de Scipion ou des commandants romains de la cavalerie, les très compétents Laelius et Massinissa, qui ont déjà opéré en tandem à Cirte, me laissent penser qu'il s'agit là vraiment d'un hasard pur.

La poursuite a été visiblement très longue, vu la durée de la bataille d'infanterie et ses multiples rebondissements. Donc peut être que la cavalerie carthaginoise en déroute a essayé néanmoins de faire durer la poursuite le plus longtemps possible pour neutraliser la cavalerie romaine le temps que Hannibal, avec sa supériorité numérique, remporte le combat d'infanterie.
Un Cannes inversé (ce qu'est d'ailleurs, thématiquement, le récit de la bataille chez Polybe et les auteurs romains, la vengeance et la victoire ultime).

Certains historiens pensent que c'était le plan d'Hannibal depuis le début et que cela explique la fuite rapide de la cavalerie africaine.
C'est possible... Mais la description de Polybe qui donne un rôle aux éléphants dans cette déroute rapide me feraient plutôt pencher pour un accident imprévu...
Ce qui n'exclut pas, une fois en fuite, que les officiers carthaginois aient essayé de faire durer la poursuite le plus longtemps possible...


Avez vous des opinions ?  Guerres Puniques 749155


Ps.

Je ne crois pas à la présence de 4 000 phalangistes macédoniens.
Et à ce sujet et au sujet de l'armement des combattants, je suis à peu près convaincu que le gros de l'armée punique, les mercenaires déjà pour des raisons liés à la façon de combattre "nationale" (celtique et ibérique), les vétérans pour des raisons liées à l'équipement pillé en Italie et au fait qu'une grosse partie de cette force est en fait italienne au moment de la bataille de Zama, et enfin probablement les "africains" également, combattent avec un grand bouclier ovale, une lance, courte et/ou des javelots et une épée.
En fait je pense que c'est probablement déjà valable dès la première guerre punique (mais cela mériterais que j'y revienne).
Par contre, ils sont formés en "phalange", c'est a dire une grande ligne, par opposition au système manipulaire, avec des intervalles et en trois grandes lignes d'infanterie lourde.
Ce qui explique que Polybe cite Hannibal et les puniques quand il compare le système romain à la "phalange".
Je ne pense pas qu'il parle de la phalange de piquiers spécifiquement.

Edit

A noter que je suppose un problème d'amalgame des trois armées et de fiabilité de certains contingents, a minima des mercenaires, dans l'armée d'Hannibal, mais que je n'ai pas d'explication à proposer sur pourquoi ce général qui a commandé des coalitions de mercenaires variées, aux intérêts divergents (italiens du sud, celtes etc) avec succès et en les transformant en machine de guerre redoutable avec une loyauté et un esprit de corps fort, aurait été incapable de faire la même chose ici.

Des problèmes d'égo ? De personnalité, de commandants ? De factions politiques ? De paie ? De promesse ? De défiance face aux revers ? Un manque de temps ?
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyMer 9 Aoû 2023 - 23:36

Je ne sais plus qui est l'auteur qui avait analysé le déploiement de l'infanterie d'Hannibal à Zama comme tu le fais, mais en tout cas je suis sûr de l'avoir déjà lu quelque part, de même que la raison pour laquelle il balance ses éléphants sur le centre romain plutôt que sur la cavalerie - on tente le tout pour le tout dans le seul secteur où il y a une possibilité de victoire.

Une autre analyse dont je me souviens, plus politique celle-ci, est qu'Hannibal est plus ou moins convaincu qu'il ne peut espérer, au mieux, qu'une victoire marginale et que la guerre est définitivement perdue. De ce fait, il mène sa bataille avec pour préoccupation principale la préservation de son noyau dur, tout en coinçant les mercenaires pour que, si ça devait mal se finir, ils seraient liquidés en premiers et ne poseraient pas de problème après guerre (contrairement à ce qui s'était passé après la première guerre punique), tandis qu'il aurait une force militaire encore suffisante pour sauver ce qui peut l'être dans les négociations tout en pouvant de son côté s'imposer face au sénat carthaginois.
Mais bon, comme souvent ça part vite dans la suranalyse, dans l'idée qu'un type comme Hannibal voit forcément avec plusieurs coups d'avance, ce qui est toujours un postulat de départ spécieux.


La participation de phalangistes macédoniens est presque assurément une bonne plaisanterie, soit une invention de Polybe (qui en était parfaitement capable), soit une grossière déformation (on peut à la rigueur imaginer un contingent de mercenaires grecs...), soit une résultante de la propagande romaine, histoire de rappeler que Philippe V était le prochain sur la liste de l'axe du mal, que quelques années après, Flamininus allait faire un tour de son côté.
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 10 Aoû 2023 - 6:03

SP a écrit:

Mais bon, comme souvent ça part vite dans la suranalyse, dans l'idée qu'un type comme Hannibal voit forcément avec plusieurs coups d'avance, ce qui est toujours un postulat de départ spécieux.
surtout au vue de sa conduite de la campagne italienne. Après il avait sûrement une vision tactique supérieure.

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 10 Aoû 2023 - 7:46

Oui, après ça ne vient pas non plus de nulle part, Hannibal va par exemple effectivement avoir toutes les cartes en main, après Zama, pour être au cœur des négociations de paix et s'imposera comme suffete à Carthage, ce qui pourrait en effet être vu comme une réussite d'un plan "préparons le jour d'après".
Je ne suis pas forcément convaincu - le fait d'avoir conservé une force militaire minimale après une défaite n'a pas forcément besoin d'être préparé à ce point - mais ça relie pas mal de choses ensemble (peut-être être trop d'ailleurs, on revient sur la thèse du stratège génial).
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 10 Aoû 2023 - 9:25

Je vois (sans y avoir réfléchi énormément) une faille dans ce "plan", ce noyau dur qui constitue sa force militaire est composé d'italiens, les romains réclament systématiquement dans leurs propositions de paix la restitution des "déserteurs", cela avait déjà été un point de contention dans la résolution de la première guerre punique les généraux ne souhaitaient pas trahir ceux qui leur avaient donnés leur loyauté.

Et c'est une des raisons pour lesquelles la loyauté de ses vétérans était assurée dans la bataille.

Après on peut imaginer que cela aurait pu être un des termes du traité qu'il n'était pas prêt à assumer, ou qu'il aurait trouvé une astuce légale, du genre, ils sont devenus citoyens carthaginois etc.

Mais c'est un risque, pour quelqu'un qui planifie déjà l'après défaite et ses forces.

Après, il n'est pas impossible qu'à ce moment de la guerre, obligé d'abandonner ses positions en Italie, avec l'espagne perdue, Hannibal voyait très bien que la guerre était perdue même si Scipion était vaincu et repoussé. Et qu'au mieux Carthage ne pourrait que négocier une paix où elle perdrait forcément quelque chose.
Du coup, gagner, oui mais la guerre ?
Néanmoins, je ne pense pas qu'il ait livré la bataille à contrecœur, il avait conscience que vaincre Scipion permettrait de négocier une paix plus favorable.

@Ses talents de stratège (ou leur manque) je pense que son manque de vision "stratégique" est très surfait. Il a clairement toujours eu des problèmes pour prendre des villes (et pas que Rome), mais il s'est maintenu en Italie, avec des forces inférieures, même à leur maximum après Cannes, pendant longtemps, obligé d'évacuer (même si sa position était devenue de toute manière précaire) uniquement par l'invasion de l'Afrique. Je ne pense pas que cela soit possible sans vision stratégique.

Les erreurs qu'on lui prête me semblent injustifiées, l'attaque sur Rome était utopique après Cannes, la ville sans défense est une vision déformée de la réalité, Hannibal ne contrôlait pas le territoire romain (pas encore) et le siège de la ville l'aurait mis dans une position précaire sans sécuriser d'abord positions sûres par où ravitailler son armée en cas de siège et opérer en profondeur contre le reste du territoire romain pour empêcher la levée d'armées de secours.
Ceux qui me semblent manquer de vision stratégique sont généralement ceux qui lui reprochent de ne pas avoir marché sur Rome.
Quand à la conduite de la guerre, là où il peut avoir eu une vision myopique, c'est s'il a provoqué délibérément la guerre dans l'illusion qu'il la gagnerait rapidement, mais si Rome par son intransigeance et ses menaces lui a forcé la main, alors il n'avait pas beaucoup d'autres possibilité d'actions que celles qu'il a prises.
Dexter Hoyos (dans ses très bon livres sur le sujet) considère qu'Hannibal et son parti ont contrôlé l'état carthaginois tout du long et que les, mauvaises, décisions du sénat sont le fait d'Hannibal et de ses partisans. IE Hannibal est l'équivalent d'un souverain et les échecs carthaginois sont de sa responsabilité.
Je n'y adhère pas du tout pour tout un tas de raisons. Et partant, les échecs sur les autres théâtres ne sont pas de sa responsabilité et étaient difficilement prévisibles dans leur ampleur. Les succès carthaginois dans la guerre sans Hannibal aux commandes sont ridicules (même si l'un d'entre eux, la défaite des frères Scipion en Espagne aurait du être décisive pour la conduite de la guerre) et c'est tout de même, rétrospectivement dur à avaler.
Sauf à prêter des vertus aux légions romaines que leurs adversaires n'avaient visiblement pas, à moins d'avoir un général extrêmement compétent...

La perte de l'Espagne (et le drain en hommes et en ressource pour sa défense, alors qu'elle aurait du envoyer des renforts vers l'Italie) est quand même incroyable alors qu'Hannibal est toujours en train d'opérer en Italie et en toute logique n'aurait jamais du être possible...
Même si on accepte que le contrôle carthaginois de la péninsule ibérique était récent, superficiel, reposait sur des liens d'hommes à hommes dynastiques et le simple rapport de force.

Le cafouillage sicilien impardonnable.
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 7 Sep 2023 - 15:40

Je voulais partager avec vous quelques ruminations personnelles sur l'équipement des guerriers "puniques".

Tout d'abord, bien qu'il y ait "quelques" trouvailles et représentation archéologiques d'origine puniques, elles sont rarissimes, ce qui signifie que l'essentiel des réflexions va venir des descriptions données par les historiens, grecs et romains.

Pour info (et ça n'a pas vocation à être exhaustif, même si ça risque de l'être tant les éléments archéologiques sont, encore, pauvres) :

Guerres Puniques 5188

La célèbre cuirasse exposée à Tunis.
Elle est magnifique, mais d'origine italienne et donc assez peu représentative de l'équipement "natif" des carthaginois et de leurs forces "africaines".
Elle peut par contre donner une idée du type de protection de thorax évoqué par Polybe quand il décrit l'équipement des légionnaires romain (même si la plupart devaient être plus simples et moins chères).

Guerres Puniques Schildgross

Un bas relief représentant un bouclier, très similaire à un aspis/hoplon grec (avec un oeil qui pourrait tout à fait avoir la même vocation contre le "mauvais oeil" que sur les navires ou tel qu'il est porté aujourd'hui en pendantif en Grèce et en Turquie).

une reconsitution (certainement pour un mod Total war):

un casque, retrouvé sur le site de la bataille des îles Aégates (une découverte archéologique majeure, dont j'ai déjà parlé et dont je regrette que les infos ne remontent pas plus vite, certains items sont annoncés une fois à leur découverte, puis ne sont plus l'objet d'aucune publication identifiable depuis des années, comme ce casque) :

Guerres Puniques Carthhelm1

Il est abimé, mais identifié comme carthaginois car différent de l'immense majorité des autres casques remontés du site de la bataille et qui sont quasiment tous du type celtique "monterfortino" tel que porté par les romains.
Que les romains ? (je rappelle que la bataille est censé avoir été perdue par les carthaginois et on a remonté jusqu'à maintenant une majorité d'éperons et de casques romains...  study  scratch )

C'est une bonne question en fait.

Un autre casque, magnifique en bronze, de type "montefortino", avec une décoration en forme de phénix.

Il a d'abord été annoncé comme carthaginois aussi, puis finalement, en le recherchant de nouveau pour trouver une photo à poster, je vois qu'il est systématiquement donné comme "romain".

Guerres Puniques Roman-Helmet-Battle-of-Egadi-Islands

Peu importe.

Clairement, les données archéologiques sont pauvres sur le sujet et ne vont pas nous apprendre grand chose.

Toutes mes lectures sur les guerres puniques, au moment de décrire les combattants nous font une longue présentation du légionnaire romain, de son équipement de son organisation, qui sont bien connues, même pour cette période de la république, grâce notamment à Polybe, mais aussi à pas mal de sources archéologiques (bas relief, statues, et objets, donc ces fameux casques montefortino).

Puis pour parler de l'armée carthaginoise, une description détaillée des nations "barbares" formant des contingents de mercenaires pour les puniques ainsi que leur équipement (là aussi connu via Polybe et d'autres sources, archéologiques et écrites).

Et... Rien, ou quasiment rien, sur les troupes carthaginoises à proprement parler. Sauf éventuellement, une citation parlant du "bataillon sacré".

Du coup, comment reconstituer l'équipement et les méthodes de combat des carthaginois/puniques ?

Par les textes des guerres puniques et par les vides ou éléments non cités, et ce que l'on peut essayer de déduire.

Les historiens parlant des guerres entre Carthage et les grecs de Sicile donnent quelques indications par exemple.

Lors de la grande bataille d'Himéra en -480, le pendant occidental de Platée et Salamine, contre une armée carthaginoise supposément monstrueuse en taille, incluant des chariots et de nombreux mercenaires. On nous donne assez peu de détails, si ce n'est un nombre très important d'hommes, peu crédible au vu des effectifs des guerres suivantes (et devant faire comparaison avec la victoire grecque à Platée) et la présence, intéressante car un peu anachronique à cette date de chariots.

La seconde bataille d'Himéra en -409 La bataille de la rivière Crimissus en -339 (Edit mauvaise bataille, c'est ça d'écrire de mémoire sans vérifier) nous offre la description du "bataillon sacré" décrit dans cette seule et unique bataille (et disparaissant des sources par la suite. Edit pas tout à fait, il est cité encore une fois par Diodore de Sicile dans une bataille en Afrique entre Agathocles et les carthaginois).
Il est question d'une unité composée de citoyens parmi les plus riches et influents.
Superbement équipés, avec des boucliers blancs et marchant lentement et en ordre.

C'est sur la base de cette description (et du bas relief ci-dessus), que l'on fait généralement, pour ceux qui se risquent à des hypothèses, de l'infanterie punique  (et des levées libyenne) une infanterie lourde de type hoplitique.

Sans doute à raison... mais...

Peut-on appliquer la description d'une unité d'élite, de citoyens riches, à toutes les levées africaines de Carthage ?

De la même manière, la cavalerie africaine (qui pour des raisons sociologiques et économiques était sans doute composés de riches propriétaires terriens ou de leurs fils) est souvent décrite comme une cavalerie lourde typique de la période, équipée à la mode grecque.

Le monde phénicien, dont font partie les colons puniques de l'occident méditerranéen, est connu pour être un monde d'échanges à la fois économiques et culturels et les artefacts de l'artisanat phénicien laissent à penser à une grande perméabilité de leur part à l'influence artistique et culturelle des voisins des phéniciens.

C'est ainsi qu'on retrouve, surtout à l'époque archaïque, des influences égyptiennes nombreuses, mêlées à un style sémitique natif.
Puis, par la suite, à des influences grecques très importantes (toujours, généralement adapté et mélangé à des styles sémitiques natifs pour la statuaire et les objets artisanaux, mais avec sans aucun doute également, beaucoup d'objet d'importation).

Carthage est doublement soumise à l'influence grecque, via l'influence grecque sur sa métropole et via l'influence des cités grecques d'occident, surtout en Sicile, où les deux civilisations cohabitent, coexistent et s'affrontent.

De la même manière que Rome et l'Italie vont profondément s'helléniser avec le passage du temps, je pense qu'il est acquis que Carthage était également une cité en voie d'hellénisation.
Les citoyens avec un parent grec n'étaient pas rares, semble-t-il (plusieurs exemples, artistes, militaires etc).
La cité avait adopté le culte de Demeter et Koré (et leur animal sacré, le porc, rompant ainsi un tabou alimentaire sémitique), et les aristocrates comme Hannibal pouvaient avoir des tuteurs grecs (comme le spartiate Sosylos dans le cas d'Hannibal) et parlaient probablement fréquemment le grec.

Cette influence grecque et les descriptions laissent donc imaginer une armée de type "grecque" avec un corps d'infanterie lourde et de la cavalerie lourde, des éléphants (encore une fois une imitation des souverains grecs hellénistiques) et des contingents, sans doute locaux, de troupes légères pour accompagner tout cela (cavalerie et tirailleurs numides par exemple, ou libyens).

Il est important de noter que cette reconstitution, bien que cohérente et probable, se fait en creux, par déduction, face à un manque de descriptions et de preuves matérielles. Et qu'elle peut être fautive.

Mais certains voient cette influence grecque d'une manière encore différente.

Je reviens là dessus, car j'ai été exposé à cette hypothèse dans mon adolescence en jouant au wargame "SPQR" de GMT games qui se basait beaucoup sur les travaux d'historiens du XIXème siècle Delbruck and co, on range parfois l'armée carthaginoise dans le camp de la "phalange" macédonienne.

Cette hypothèse se base sur quelques éléments discutables.

La notion que 4000 phalangistes macédoniens auraient participé à la bataille de Zama (et l'hypothèse qu'ils se seraient glissés dans une "phalange" carthaginoise, sans problème du coup).
L'utilisation par Polybe des carthaginois d'Hannibal dans sa démonstration de la supériorité du système romain sur la "phalange".
Une traduction concernant l'équipement de certaines troupes carthaginoises qui leur donne des "piques" ou des "longues" lances.
Il y a également la possibilité (archéologique) que les navires carthaginois transportaient des piques pour les combats navaux.
Enfin, l'épisode, au cours de la première guerre punique, où Carthage faisant appel à des mercenaires, recrute un général spartiate qui (ré)entraine les troupes puniques et les mènent à la victoire. L'idée serait qu'il les aurait formés "à la macédonienne" à cette occasion, ce qui explique la victoire.

J'ai personnellement de forts doutes sur la réalité historique du premier élément.
J'ai déjà évoqué mon sentiment sur l'emploi du mot "phalange" par Polybe (IE une formation en une masse d'hommes compacts, plutôt qu'une référence à un équipement "à la macédonienne" qui a bien plus sens de mon point de vue, compte tenu de la description des troupes carthaginoises dans les batailles de la seconde guerre punique, notamment la référence au fait qu'ils ont pillés les armes et armures romaines pour se rééquiper ce qui leur donnait, de loin, l'apparence de "troupes romaines". Cela serait bien étrange si c'était une phalange de piquiers... Moins s'ils combattaient déjà avec un équipement similaire aux légionnaires... Je vais y revenir.
L'histoire de la "traduction", je ne l'ai lu qu'en seconde ou troisième source, mais en gros, un historien du XIXème à traduit le terme grec "longche" par "piques". Or ce terme est utilisé par Polybe à plusieurs reprises pour parler des troupes carthaginoises et notamment à Cannes pour parler de l'équipement des troupes légères (cela serait donc étonnant) mais surtout, c'est un terme désignant normalement, non une "pique", mais au contraire, une lance plus courte qu'une "dory" et qui peut être utilisé au contact comme à distance. Une lance courte ou un grand javelot quoi...
La possibilité que les troupes de marines aient utilisé des piques ne me choque pas (c'est un équipement naval fréquent dans l'histoire), mais cela ne prouve pas que les levées de citoyens et de tributaires libyens étaient des piquiers pour autant...
Quand à Xanthippe le texte et le contexte historique ne laissent en rien deviner une transformation de l'armée carthaginoise en une phalange de piquiers. Et je vais y revenir, l'épisode entourant la bataille de la rivière Bagradas étant un point important dans mon raisonnement et mon hypothèse alternative quand à l'équipement des troupes "africaines".

Je posterais une deuxième partie plus tard, ou je vais donner des pistes supplémentaire en réfléchissant aux aspects socio-économique derrière l'équipement des hommes dans l'antiquité, la réalité du combat et le choix d'équipement à fournir aux combattants (IE le pourquoi, au delà du prix de tel ou tel équipement et ce qu'on en fait derrière) et l'utilisation qui est faite des ressources humaines de la cité, en général et à Carthage en particulier.


Dernière édition par Keyser Pacha le Ven 8 Sep 2023 - 9:23, édité 3 fois
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 7 Sep 2023 - 18:25

On sait que souvent, à Rome et dans le monde grec, notamment, les citoyens d'une cité état (et on peut supposer quelque chose de similaire dans le monde ibérique, celtique, germanique, daces, thrace, illyrien etc) s'équipent à leurs frais pour la guerre et en fonction de leurs moyens.

L'équipement hoplitique est couteux, il est réservé aux citoyens les plus riches et aux classes moyennes.

Les citoyens les plus pauvres constituent cependant une réserve humaine importante et on sait que les états/tribus/cités/clans etc puisaient dans ces réserves de plusieurs manières.
En fournissant des "valets" d'armes à un "maître", qui pouvaient potentiellement être utilisé dans la bataille comme troupes légères (si on croit hérodote à Platée qui les compte dans les effectifs fournis par les cités grecques contre l'invasion perse).
Pour fournir, à leur frais des troupes légères, javeliniers, frondeurs etc.
La fronde est l'une des armes les plus économiques qui soient et son utilisation par un grand nombre d'hommes la rend utile même si les frondeurs ne sont pas très précis.

Néanmoins, les meilleurs, ceux capables de toucher la cible qu'ils visent et de frapper les ennemis au visage etc, nécessitent des années d'entrainements et ils sont si efficaces qu'ils sont très recherchés et sont des mercenaires de grande valeur (tant militaire que pécuniaire).

(On considère généralement qu'un arc porte plus loin qu'une fronde, mais ce n'est pas ce que nous disent les sources antiques (Vegetius notamment me semble-t-il). Cela parait contre intuitif, une fronde ne porte pas SI loin. Mais on perd souvent de vue qu'un arc était très rarement utilisé pour faire un tir en cloche, à grande distance de "saturation". Déjà à cause de la perte en précision, du nombre de munitions limités et de la réduction de l'impact des flèches qui perdent l'essentiel de leur force kinétique en montant avant de redescendre.
De fait, les archers tiraient quasiment toujours en tir direct/tendu. Ce qui réduit beaucoup la portée et la rend, du coup, comparable à celle des frondes (en plus d'être également comparable, voire inférieure, à celles des mousquets, pour tout ceux qui pensent qu'un arc est une arme supérieure...))

Une autre utilisation possible des plus pauvres c'est en tant que rameurs pour la flotte. Athènes est connue pour cela, mais Carthage est très probablement un autre exemple.

Et le besoin de fournir des équipages loyaux et compétents à la flotte explique peut être une certaine frilosité à utiliser des citoyens au combat et recourir à des mercenaires.

Il y a d'autres explications possibles. Les nombreuses défaites contre les grecs de Sicile, ont pu avoir un coût en citoyens qui a rendu l'état Carthaginois (avec des tendances notoirement plus démocratique d'après Polybe ET Aristote (bien que l'on ne puisse pas bien déduire ce qui les pousse réellement à ce constat) que Rome par exemple) frileux.
Une autre, liée, est que les ressources humaines, proprement "Carthaginoises" sont limitées.
C'est étonnant, compte tenu de la taille et de la population de Carthage, mais cela peut s'expliquer via des hypothèses sur l'organisation politique et sociale de l'état punique. Qui sont purement spéculatives, puisque nos sources sont silencieuses sur ce sujet et que l'archéologie soulève plus de questions qu'elle n'en résout sur cette problématique.

Carthage dominait un territoire peuplé de citoyens, de tributaires et d'alliés.

Le statut des cités puniques "indépendantes" comme Utique et Thapsus n'est pas clair. Sous la domination carthaginoise, certes, mais dans quelle mesure ?
Quelles sont leurs obligations ?
En ont-elles seulement ? Sont-elles de simples "alliées" ? Comme Capoue pour Rome en Italie par exemple ?

Et le statut de l'hinterland libyen ? Ils paient tribut et sont lourdement taxés, en hommes et en richesse.
Cela suscite plusieurs révoltes (la plus importante étant celle lors de la guerre des mercenaires après la première guerre punique) et si ces révoltes montrent que les carthaginois puisaient lourdement dans ces ressources, cela montre aussi le peu de contrôle de l'état carthaginois sur ses "possessions" africaines et encore plus, certainement, pour des possessions plus lointaines.

L'Ibérie quand à elle est alors une zone de commerce, avec des implantations puniques assez mineures ("comptoirs") "alliées" à Carthage mais ne s'impliquant pas beaucoup dans sa domination (et manquant sans doute de moyens à contribuer de toute manière).
Il y a quelques villes plus grandes, comme Gadir, mais Carthage semble s'être assez peu mêlé de ce qui s'y passe jusqu'à l'arrivée des troupes d'Hamilcar.
Et même après, Carthage s'est constitué un territoire à côté de ces implantations puniques, sans réellement s'appuyer dessus, sauf au tout début.

Carthage contrôle directement les Baléares et prend le contrôle des implantations puniques en Sardaigne pour les défendre des conflits avec les autochtones de l'intérieur. Carthage s'implique beaucoup en Sardaigne et la perte de l'île est réelement une claque et une perte pour la cité après la guerre des mercenaires.

En sicile Carthage est aussi très présente directement, à la fois en contrôlant un réseau d'alliés (qui varie beaucoup dans le temps en taille comme dans sa composition) et possède quelques villes/forteresses, notamment dans l'ouest de l'île.

Tout cela pour dire que si l'on sait que Rome est une grande ville, avec une population de citoyens importante, ces citoyens n'étaient pas tous concentrés dans la ville elle-même.
La population des campagnes est importante aussi et l'état romain implante des colonies de citoyens dans toute la péninsule italienne. On sait aussi que ses traités avec les ennemis vaincus qui en font des "amis" de Rome leur impose de fournir des troupes et on a une bonne idée de la puissance démographique de l'Italie via un recensement cité par Polybe à la veille de la bataille de Sentinum.

Carthage est une très grande ville aussi, très peuplée, mais on ne sait pas quelle part de cette population est composée de citoyens et quelle part d'étrangers (ou de citoyens de "seconde zone", des puniques citoyens d'autres cités (alliés) ou bénéficiant d'une autre forme de citoyenneté (les inscriptions carthaginoises mentionnent des "tyriens" (ce qui est sans doute les citoyens eux-mêmes) et des "sidoniens" (donc à l'origine des citoyens de la ville phénicienne de Sidon, mais dans le contexte des inscriptions carthaginoises, il n'est pas clair si cela fait référence à une origine géographique, ou à un statut juridique).

Les textes parlent également parfois de liby-phéniciens. Mais il n'est pas clair non plus de savoir qui ils sont. J'ai vu deux explications qui me paraissent plus probables, la première, une population mélangée "métis" avec un statut à part (un parent phénicien et un libyen par exemple), avec peut être un statut juridique différent.
L'autre étant une population de phéniciens natifs de Libye. IE ne venant pas de phénicie et/mais n'étant pas citoyens carthaginois.

Tout cette digression pour dire que bien que cela soit une cité peuplée (on parle de plusieurs centaines de milliers d'habitants et à minima une population équivalente à Rome, voire même supérieure), le pool démographique des "citoyens" n'était peut être pas SI important, toute chose égale par ailleurs. Ce qui, combiné avec les ressources financières et les contacts diplomatiques issus du commerce punique, les besoins humains de la flotte et la sécurité "relative" du territoire africain peut expliquer la priorité du recours aux mercenaires, pour la projection de puissance, par opposition à la levée de citoyens.

Néanmoins, des citoyens, Carthage en a levé, à plusieurs occasions, pour des attaques sur la Sicile et pour étendre et défendre son territoire africain (contre les libyens, numides, les mercenaires, les siciliens et les romains).

Et les citoyens ne sont qu'une part de ce qui peut composer les contingents "africains".

Le reste étant essentiellement les puniques d'autres cités (dont la mobilisation n'est jamais mise en avant par nos sources), la population rurale, carthaginoise, punique ou liby-phénicienne et les autochtones, les tributaires libyens.

Les libyens constituent une source abondante et "sacrifiable", il est généralement admis que hors cas de moblisation d'un corps de citoyens, ils constituent le gros des troupes dites "africaines". Des "mercenaires" locaux en quelque sorte, même si leur recrutement se fait sans doute plutôt sous la forme d'une "taxe" (chaque communauté devant fournir (et peut être équiper) un nombre de combattants).

Alors comment sont équipées ces troupes ?

Et bien... On ne le sait pas. Guerres Puniques 749155

J'ai déjà évoqué l'hypothèse hoplitique qui est possible. Mais s'applique-t-elle à toutes les populations ? Quelque soit la classe sociale ? Recrutaient-ils uniquement des troupes lourdes ?
S'applique-t-elle sur toute la période ? D'Himéra à Zama ? Sans aucun changement dans l'équipement et les tactiques ?

J'ai des doutes sérieux là dessus.

Je vais maintenant parler de ce qui semble être l'équipement le plus répandu du monde européen et ouest-méditerranéen (voire même à l'est en fait... et encore plus certainement avec l'arrivée des galates et la généralisation de l'équipement de type "celtique" à travers toute la méditerranée).

Le combattant équipé d'un casque (la protection métalique minimale) d'un grand bouclier couvrant l'essentiel du corps, limitant le besoin d'une armure (y compris tête et jambes), d'une lance, plus ou moins longue, de javelines (ou autres armes de jets), une épée pour le contact. On peut ajouter le manteau pour complèter l'équipement et l'image de ce guerrier, même si ce n'est pas un équipement militaire à proprement parler. Une armure metalique ou textile, ou en peau/etc peu complèter en fonction des ressources de chacun.

Le légionnaire romain correspond à ce modèle de guerrier universel. Le guerrier ibérique aussi. Le guerrier celte (qui en est l'UR exemple peut être), le guerrier germanique également (mais dans le spectre le plus pauvre en terme d'équipement).

L'hoplite aussi, de loin...

Mais, chaque type d'équipement correspond à une utilisation tactique et à des besoins stratégiques et logistiques.

L'équipement de l'hoplite est particulièrement lourd (même s'il y a quantité d'hoplites équipés plus légèrement, par nécessité économique ou choix tactique) et coûteux et il est pensé pour le contact et la protection, en tant que groupe.
Le bouclier se porte différement, non par une poignée centrale, mais par des courroies, il repose sur l'épaule en raison de son poids, car son système pour le porter ne permet pas de le poser au sol aussi aisément. La lance, la dory est très longue (pour une lance) et c'est sans doute pour maximiser la portée de l'engagement contre des troupes moins bien protégées avant un rush ou pour accroître la portée dans la mêlée quand la phalange est en formation serrée (bouclier des premiers rangs en écaille de poisson et bouclier des rangs arrière dans le dos) et qu'elle est portée au dessus de la tête.
L'épée courte est spécifiquement utile dans une mêlée bouclier contre bouclier, ce qui renseigne sur la manière de combattre des hoplites (et des romains armés d'épées courtes également et qui s'ils n'ont pas les mêmes tactiques et boucliers, pressaient sans doute d'une manière équivalente, bouclier contre bouclier).

Les celtes utilisaient notoirement des épées plus longues. Ce qui implique une utilisation un peu différente, elles ne sont pas optimisées pour une mêlée bouclier contre bouclier (mais peuvent aussi être utilsées bien sûr), cela signifie que les celtes pouvaient s'en servir différemment.

Mon hypothèse, c'est que c'est dû à une plus grande polyvalence des besoins des guerriers celtes.

La guerre n'est pas toujours affaire de bataille rangée, infanterie lourde contre infanterie lourde.

En fait, les batailles rangées sont généralement rares et évitées. L'essentiel de l'activité d'un soldat à la guerre, c'est marcher, fourager, explorer, prendre des fortifications, des points forts/stratégiques.

Ma lecture de Polybe, particulièrement des "affaires de Grèce" m'a fait prendre conscience que pour ces rôles, les troupes les plus employées et recherchées sont, soit des troupes légères, soit des troupes polyvalentes (d'élites par exemple, bien entrainées, capables de combattre comme une infanterie lourde en bataille rangée, ou comme une infanterie légère si le besoin s'en fait sentir, comme les "peltastes royaux" macédoniens par exemple).

Du coup, la force de cet équipement "universel", c'est sa polyvalence. Le grand bouclier remplace ou double l'armure, les javelots permettent de donner une capacité à distance, utile à la fois en bataille rangée et en escarmouche en petits groupes (patrouilles, raids, escortes etc), la lance donne une capacité avec une bonne portée dans certaines situations et permet d'utiliser le bouclier et l'épée est à utiliser quand l'ennemi est trop près ou que l'utilisation de la lance devient une pénalité plutôt qu'un avantage. Et si l'épée est longue, on peut aussi imaginer qu'elle est plus souvent destinée à être utilisée dans des scénarios d'escarmouche, que dans une grande bataille rangée en formation serrée (mais cela n'est évidement pas exclusif à un type ou à l'autre).

J'en reviens maintenant à nos troupes africaines.

Les carthaginois utilisent des mercenaires celtes et ibères depuis le Vème siècle.
Ils pratiquent une guerre de siège et de raids en Sicile, de raids et d'escarmouche en Afrique et en Sardaigne l'essentiel du temps.
Les troupes numides et libyenne ont un équipement natif plutôt léger. Ce sont des cavaliers légers, comptant sur la vitesse et les projectiles plus que le choc. L'infanterie est similaire.

Il est possible que les levées de citoyens et les contingents puniques aient été une infanterie lourde de type hoplitique. Au moins au début, au Vème siècle.

Mais je pense qu'il est discutable que l'équipement soit resté le même sans changements.

Et ce qui a nourrit cette réflexion chez moi, outre les changements chez les romains et l'influence possible des mercenaires ibères et celtes (et peut être aussi de l'équipement des troupes locales sur les zones de domination carthaginoises, indigènes siciliens, sardes, africains etc), les pauvres performances des troupes carthaginoises en bataille rangée contre les grecs de sicile et les romains et le récit de la première guerre punique, le type d'opérations des cartaginois en Sicile, la bataille de Bagradas, la guerre des mercenaires et la conquête de l'Espagne.

Je pense que matériellement, il est possible pour l'état carthaginois de lever des troupes lourdes et sans doute une partie des levées de citoyens étaient de l'infanterie lourde...
Mais, en sommes nous sûr, si les citoyens s'équipaient à leur frais, peut être beaucoup se contentaient d'un équipement à minima, un casque, un bouclier, une épée, une lance (de type longche ? Plutôt qu'une Dory ?), des javelines.

L'hoplon est lourd et protége bien, mais il est moins polyvalent que les boucliers ovaux de types celtes. Ces derniers sont plus adaptés au combat individuel et protégent mieux le corps dans ces conditions de combat en petit nombre ou en terrain difficile (ou si on a pas d'armure).

Le texte de Polybe sur la bataille de Bagradas est très instructif.

Xanthippe est un spartiate, mais c'est aussi et surtout un mercenaire.
L'équipement des "mercenaires" en grèce au moment des guerre puniques est plus "polyvalent" et léger que celui des hoplites/citoyens. Il s'est allégé depuis l'époque classique, beaucoup sont, comme à l'époque classique des tirailleurs (peltastes, frondeurs etc) mais un nouveau type de troupes est apparu en Grèce après l'invasion celte et la migration galate en asie mineure.

Le Thureophoroi (porteur de thuréos, le thuréos étant un grand bouclier ovale similaire aux boucliers celtiques).

Ce type de troupes n'est pas destiné à combattre dans une phalange d'infanterie lourde même s'il le peut, puisqu'il est équipé, d'un casque, d'une lance et d'un grand bouclier maniable qui compense le manque d'armure (les romains ne sont pas équipés différemment et sont une infanterie lourde), mais à assurer la sécurité d'un tyran, d'un roi, d'une cité, en temps de paix, à effectuer des patrouilles, des raids, du fourragement, garder des forteresses, attaquer des forteresses, des points forts etc.
C'est un combattant polyvalent, utilisé surtout en coups de mains. Mobilisable rapidement (car ce sont des mercenaires, donc toujours actifs, à la différence des corps de citoyens/soldats, phalange d'hoplites ou armée à la macédonnienne).

D'une manière générale, l'équipement "à la macédonienne" demande une grosse armée pour être utile, pour les cités états et ligues aux capacités financières et humaines modestes, ce n'est pas un type de troupes rentable ou facile à mettre en place. Le thuréophoroi le remplace avantageusement pour l'essentiel des activités guerrières et s'ils perd en efficacité en bataille rangée, il compense par sa versatilité.

En dehors des royaumes hellenistiques, successeurs de la tradition macédonnienne de Philippe II et d'Alexandre et avec des ressources considérables (quoiqu'inférieure à celles des romains et probablement des carthaginois), les troupes "à la macédonnienne" ne sont pas si répandues dans le monde grec.

Tout cela pour dire, que Xanthippe, en dehors de son origine spartiate, est surtout un mercenaire commandant de mercenaires, le type de troupes auquel il est habitué est plus probablement des thuerophoroi, ou des troupes légères, que des phalangistes.

Et son activité à la tête de l'armée carthaginoise va essentiellement consister à constater que jusque maintenant ils évitent les batailles rangées en terrain plat, préférant camper et opérer en terrain difficile, ce qui les prive de la supériorité dont ils disposent en cavalerie et en éléphants...

Il les fait manoeuvrer devant lui et observe que leur autre problème, c'est leur désordre et leur manque de coordination dans les manoeuvres.

Il les entraîne à nouveau en les obligeant et en les habituant à rester ordonné, en formation.
Il déploie l'armée sur une grande plaine. Sa supériorité en cavalerie et le bon ordre de sa ligne d'infanterie qui tient le choc (pour la première fois en Afrique) lui font remporter une victoire qui parait facile et évidente avec le recul et le rapport de force.

Qu'est ce que cela nous dit ?

Pour moi, que le premier problème de l'armée carthaginoise, c'est que face aux nombreuses défaites en bataille rangées, ils avaient peur d'affronter l'infanterie lourde romaine en plaine malgré leur supériorité écrasante en cavalerie et la présence d'éléphants, ce qui les faisaient s'enfermer à camper dans des terrains difficiles.

En outre, ils ne savaient pas vraiment combattre comme une armée, en ordre et en formation ("en suivant leurs étendards" de mémoire) si on en croit le constat de Xanthippe et la parade qu'il a trouvé quand il les a entrainés...

Est-ce que cela serait vraiment l'attitude d'une armée d'hoplite ?

Surtout quand on compare à la description des troupes carthaginoises du bataillon sacré à Himéra, qui "avancent lentement et en ordre".

Je ne pense pas.

Cela me fait penser qu'on a affaire a une majorité de troupes légères, ou "moyennes". Parfaite pour la guerre de coup de mains de Sicile, Sardaigne et Afrique. Mal adapté pour affronter la légion.
Xanthippe leur redonne confiance et les "transforme" en une infanterie plus disciplinée, plus "lourde" pas forcément en équippement, mais dans la façon de combattre et il utilise sa cavalerie pour remporter une victoire facile.

Ce n'est que mon sentiment.

Mais je ne m'étonnerais pas qu'au moment des guerres puniques, les levées africaines sont composées massivement de troupes relativement légères, équipées à la manière "universelle". Un grand bouclier, probablement ovale, sur le modèles des grands boucliers celtes, ibériques, du thuréos et du scutum, avec ou sans armures (en fonction des revenus des combattants ou des institutions qui les fournissent et équippent), une lance, probablement plus courte qu'une Dory et pouvant être lancée, une "longche", une épée, un casque. Et peut être des javelines.

Cela résout pas mal de choses étonnantes, comme l'utilisation de l'équipement romain, les tactiques utilisées par Hamilcar pendant la première guerre punique et la guerre des mercenaires, l'intégration des troupes d'élites "africaines" dans un dispositif comprenant des troupes ibères et celtes lors de la conquête de l'espagne et l'invasion de l'Italie par Hannibal, les trouvailles archéologique qui rendent difficile d'identifier du matériel "punique". Y compris sur le champ de bataille des îles aégates.
Tous ces montefortino ne sont peut être pas tous romains... Mais aussi puniques. Difficile d'identifier le matériel des deux combattants, s'il était, finalement, assez similaire...


Edit

Bien sûr, il est aussi possible qu'on ait eu affaire à des hoplites (mal entrainés et réformés par Xanthippe). Je n'en sais rien. Guerres Puniques 749155


Dernière édition par Keyser Pacha le Jeu 7 Sep 2023 - 21:32, édité 7 fois
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 7 Sep 2023 - 18:33

Un dernier commentaire sur la remontée de matériel du champ de bataille des îles aégates.

Il est comme je le disais essentiellement romain d'après les découvreurs.

Je pourrais l'expliquer de plusieurs manières.

La première serait que Polybe ment et que les romains ont perdus la bataille. Mais elle est peu raisonnable (puisqu'à après tout ils sont censés avoir gagné la guerre juste après).

La seconde serait que nous n'avons fouillés que dans une zone où les carthaginois ont eu localement l'avantage (mais vu l'étalement des restes de naufrage au fond, c'est aussi peu probable).

La troisième serait que les romains ont eu plus de navires coulés (éperonnés ?) parmi ceux qu'ils ont perdus et qu'ils ont capturés beaucoup plus de navires carthaginois. Ce qui est très probable quand on lit le déroulé de la bataille et qu'on se fie aux capacités navales supposée des deux bélligérants (IE meilleurs marins vs meilleurs combattants au contact) mais... (CF juste en dessous)

Et une quatrième serait que l'équipement des combattants était simillaire, jusqu'aux navires.
Les carthaginois ont capturés de nombreux navires romains dans une série de victoires quelques années auparavant et il est possible qu'au moment de lancer la fotte pour secourir les forteresses assiégées et l'armée d'Hamilcar, l'effort à fournir étant important à ce moment de la guerre où les bélligérants étaient épuisés, ils l'aient limité en utilisant les navires qu'ils avaient sous la main, y compris les nombreuses captures romaines. Ce qui expliquerait la quantité disproportionnée de rostres romains (et leur datation, les consuls de l'année figurent sur les rostres romains).

Ce qui signifie que non seulement les carthaginois n'avaient pas assez d'infanterie de marine (qu'ils n'ont pas pu faire embarquer avant la bataille puisqu'ils ont été interceptés par les romains), leur navires étaient surchargés avec les vivres et le ravitaillement, sans avoir pu débarquer les mâts. Et enfin, beaucoup de leur navires étaient ancien et de capture, alors que la flotte romaine était reposée, prête, neuve et avec des contingents de "marines" au complet.

Ouch... Guerres Puniques 749155
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Cat Lord

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 7 Sep 2023 - 20:43

Ami des PLCLB, bonsoir... Guerres Puniques 749155

Razz

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Imrryran

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 7 Sep 2023 - 20:45

Bah moi je trouve ça intéressant study
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Cat Lord

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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyJeu 7 Sep 2023 - 20:58

Imrryran a écrit:
Bah moi je trouve ça intéressant study
J'ai pas dit que c'était inintéressant. Wink

Cat
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MessageSujet: Re: Guerres Puniques   Guerres Puniques EmptyVen 8 Sep 2023 - 7:58

Imrryran a écrit:
Bah moi je trouve ça intéressant study
On est beaucoup je crois Guerres Puniques 120119
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