Oui mais à noter que quand je parle d'infanterie lourde et de phalange, je pense surtout au modèle hoplitique.
Je ne crois pas à une armée équipée "à la macédonienne" pour Carthage. Et comme le type de "sur le champ" le dit lui même, la phalange "macédonienne" a changée avec le temps et celle de l'époque de Philippe II n'est pas tout à fait la même que celle d'Alexandre, qui n'est plus la même que celle des successeurs et qui n'est sans doute absolument pas la même que la monstruosité sur 16 rangs avec des sarisses immenses que l'on prête aux royaumes héllénistiques à l'époque romaine.
De la même manière, la réalité du combat hoplitique ne se limite pas à un type armuré en bronze qui charge en peinant sous son armure et pousse avec son bouclier.
On a des descriptions de types d'hoplites particuliers, il y a des "coureurs" au milieu des rangs, sans armure chargés de pourchasser l'infanterie légère en réaction aux succès de celle-ci et à la multiplication de ses effectifs dans les engagements.
Et il y a les troupes étranges hybrides sur le modèles des hommes d'Iphicrate que "Sur le Champ" évoque aussi, de mémoire, quand il cherche l'origine et l'inspiration de la phalange.
Le palangiste macédonien est de toute façon à la base, un combattant plus léger que l'hoplite traditionnel. la "pelta" qu'il porte est plus petite que l'Aspis et une partie des troupes n'est pas équipée d'armure (ce qui existe aussi chez les hoplites, mais est moins fréquent).
Quand à la légion, entièrement d'accord, l'équipement ne fait pas tout.
J'avais déjà eu l'occasion de comparer l'équipement des guerriers celtes et des thuréophoroi hellenistiques pour montrer que s'il n'était pas fondamentalement différent de celui des légionnaires, l'utilisation, les tactiques et le résultat des combats montraient qu'on avait pas affaire aux mêmes troupes.
La grande force de la légion se sont ses "automatismes", son organisation, ses règles, l'expérience et le savoir faire de ses cadres, et surtout, l'uniformité de tout cela, une légion est exactement la même qu'une autre relativement à tous ces aspects.
Ce qui n'est pas le cas d'autres armées.
Les armées puniques par exemple, avaient sans doute des organisations types et des règles/lois, mais l'expérience montre que chaque généralissime (Rab Mahanet (chef du camp)) avait une grande influence sur la gestion de son armée, son entrainement et son organisation. Ce qui peut expliquer les différences de performance des armées carthaginoises (Excellentes pour celle d'Hannibal (et son père Hamilcar), sauf à Zama, médiocres pour celles d'Hasdrubal et Mago ses frères et nullissimes (à une poignée d'exceptions près) pour celles des autres généraux.
Pour la légion, l'équipement, si on part du principe que les légionnaires sont tous armurés sur le modèle donné par Polybe est assez lourd.
Mais il est possible que les hastati n'aient pas tous eu une armure métallique et que les principes et triarii n'aient pas tous eu une cotte de maille ou une cuirasse... Néanmoins, encore une fois, ce qui est en fait une force d'infanterie "lourde" n'est pas que l'équipement, mais aussi l'entrainement et la manière de combattre.
Comme je le disais, les romains combattent à l'épée courte, ce qui implique bouclier contre bouclier, donc des troupes aggressives, qui vont au contact et le recherchent.
L'organisation en manipule permet une grande mobilité et capacité de manoeuvre et on sait que les romains font tourner les effectifs pour remplacer les premières lignes (même si le moyen exact n'est pas connu) c'est tous ces aspects (et d'autres, logistiques, organisationnel etc) qui font de la légion ce qu'elle est, plus que l'équipement.
C'est aussi pour cela que des troupes équipées similairement, n'ont pas forcément les mêmes résultats (cf les défaites des barbares, les performances médiocres des thuréophoroi grecs face aux légions, des "imitations" de légionnaires lagides, numides et pontiques etc.)
Quand je pense que l'infanterie africaine, passé le Vème et le IVème siècle, ressemble plus en terme d'équipement, aux ibères, celtes, italiens etc qu'à des hoplites, ça ne veut pas dire qu'on a affaire à des légionnaires bis ou à une imitation directe.
Il leur manque tout le reste de ce qui fait une légion romaine.
Cet équipement influe sur la manière de combattre, mais il ne fait pas tout.
Et c'est à cela que me fait penser, dans ma lecture de Polybe, l'intervention de Xanthippe. Il ne transforme pas fondamentalement les troupes carthaginoises. A aucun moment Polybe ne parle de les rééquiper ou quoi que ce soit de similaire.
Il se "contente" de les préparer à combattre en terrain plat, en formation, de manière ordonnée et coordonnée, face à l'infanterie lourde romaine.
IE, pour ce que j'en comprend, il les transforme en une infanterie plus ordonnée et combative en les réorganisant et en leur donnant confiance, plus qu'autre chose, une force plus "lourde" de fait.
L'armée carthaginoise combat toujours en une grande masse d'infanterie, mais qui combat à présent de manière ordonnée et disciplinée, sans plus avoir peur du choc, comme ce que les descriptions de la situation avant l'arrivée de Xanthippe laissent imaginer.
Il n'en fait pas nécessairement des "légionnaires", mais à minima une force plus efficace en bataille rangée. Ma lecture étant qu'on avait sans doute des troupes habituées à opérer en petits groupes dans des coups de mains, à la petite guerre, la guerre de siège etc. Mais manquant de coordination, d'allant, d'entrain et d'esprit de corps en bataille rangée.
Alors, encore une fois, c'est aussi quelque chose qu'il aurait pu faire d'une masse de conscrits bien équipées mais sans expérience militaire et mal encadrés...
IE des hoplites levées à la hâte dans une population sans expérience militaire et sans habitude de lever des armées fréquemment, donc sans cadres vétérans.
Cela ne prouve rien en soit et j'en ai conscience.
Mais (pour moi) les références à la peur du choc face aux légionnaire et la préférence pour opérer et camper en terrain difficile, alors qu'ils ont une supériorité écrasante en cavalerie rendrait le commandement punique bien trop idiot (même composé d'amateurs) si on partait du principe qu'ils opèrent avec une masse d'hoplites lourds...
Cela me parait bien plus cohérent comme attitude (même si c'est toujours contre-productif) si l'infanterie africaine est plus légère qu'on l'imagine le plus souvent.
Et je ne pense pas qu'il s'agisse forcément uniquement de tirailleurs (javeliniers, frondeurs etc) autrement on nous parlerait de ces troupes légères en tant que telles.
Donc, c'est peut-être une force différente.
Similaire aux mercenaires grecs équipés de thuréos ou aux mercenaires ibères et celtes.
(Et indirectement, la multiplication de la découverte de montefortino sur le site de la bataille des îles Aegates, bien que cela soit loin d'être suffisant, tendraient à me conforter intuitivement vers cette évolution de l'équipement des forces carthaginoises vers un équipement plus proche de celui des celtes et des romains dès la première guerre punique (plutôt que plus tardivement, en espagne ou en Italie avec Hannibal aux commandes) en notant aussi que cette guerre de coups de mains, de raids et d'escarmouches est celle menée par Hamilcar avec son armée en Sicile (il évite soigneusement les batailles rangées (malgré le succès carthaginois à Bagradas))