T'es néanderthal toi ?

@Les objets travaillés différemment, j'ai probablement vu ou lu la même chose que toi.

Un chercheur parlait des différences entre la psychologie de Néanderthal et la nôtre et la difficulté à appréhender leur psychologie. Il prenait justement en exemple, pour illustrer, cette histoire des outils et comparait à une anecdote.
Un explorateur demande à un inuit de lui tailler une figurine dans un morceau d'ivoire de morse. Je ne sais plus ce qu'il voulait exactement, mettons, un morse, l'artisan inuit lui répond, non désolé je ne peux pas, ce morceau d'ivoire contient un ours, pas un morse.
IE il se base sur les spécificités physique du matériau pour "voir" l'oeuvre finale. Il ne décide pas, du moins, pas consciemment, de ce qu'il va sculpter, il travaille à partir des formes initiales.
Le chercheur disait que Néanderthal et ses outils sculptés en fonction de la forme de la pierre de départ plutôt que selon un "modèle" pouvait peut être raisonner comme cela aussi.

Si ce chercheur était Ludovic Slimak, l'auteur du bouquin que j'ai lu, on parle exactement de la même chose, oui.

Cat

Sûrement même si je ne me rappelle pas si c'était une interview à la télé ou dans une revue comme Science et avenir ou Science et vie.
Je vais regarder dans le tas de revues de mon père si j'y retrouve le texte.

D'après ce que j'ai vu à Chauvet 2 et dans les divers musées visités la semaine dernière, les crô-magnons qui ont créé ces chefs d'oeuvre utilisaient également les courbures de la roche, les reflets, les textures comme pour en faire surgir les animaux représentés. De nombreux artistes travaillant sur des supports naturels affirment qu'ils n'ont fait que révéler ce qui était déjà présent dans la pierre, le bois, etc. C'est plutôt un trait commun à de nombreux artistes, mais que nous partageons tous à un certain degré : la paréidolie (la tendance instinctive à trouver des formes familières dans des images désordonnées.)

Ton chercheur suit un raisonnement industriel en fait : voici une matière, donne-lui telle forme. Alors que l'inuit lui répond avec un raisonnement artistique : dans cette matière, il y a telle forme.

Toujours d'après ce que j'ai vu, les outils des néandertaliens semblent plus ou moins figés dès lors qu'ils ont leur forme optimale. Ceux des crô-magnons évoluent, non seulement parce que la fonction change pour s'adapter au climat, à la faune et la flore (tu ne chasses pas un lapin avec une sagaie destinée aux bisons, sinon il ne restera pas grand chose du lapin) mais aussi semble-t-il en fonction de phénomènes esthétiques. Néandertal aurait disparu un peu trop tôt pour s'adapter ou être sujet à des phénomènes de mode, en ce qui concerne la confection d'outils en tout cas. ça ne signifie pas qu'il n'en était pas capable.

Et je me permets un petit aparté, pour revenir sur le côté chef-d''oeuvre justement. La justesse du trait m'a fait irrésistiblement penser aux figures de chevaux de Dali. La composition des fresques, avec les juxtapositions, chevauchements, inter-pénétration des dessins évoque le Picasso de Guernica. D'autres passages évoquent le pointillisme, le fauvisme, l'impressionnisme ou... la BD. Sur les murs de la grotte Chauvet, j'ai eu l'impression de voir la plupart des grandes révolutions picturales des XIXe et XXe siècles. C'était aussi fascinant que troublant.

Je crois que le culte du "progrès" a fortement orienté notre perception du monde au cours du XIXème et du XXième et que c'est la fin de cette "croyance" dans le progrès qui nous aide à changer notre perception du monde.

Il est des domaines dans lesquels l'accumulation de "progrès" est indéniable, dans les sciences, les techniques, par exemple.
Mais il est des domaines où c'est moins évident, on peut trouver des réponses sur le sens de la vie, sur l'homme, l'éthique, qui sont toujours valables 2000 ans plus tard ou plus.

L'art n'est pas que "technique", partant il est assez intemporel (même s'il y a des modes ou des choses rendues possibles par de nouvelles techniques).

Un des plus grand moment "what the fuck" que j'ai eu ces dernières années c'est quand j'ai découvert qu'il y avait de la peinture dans l'antiquité.
Des "peintres", des "tableaux" etc et que même si la peinture "médiévale" est peu connue et souvent confondue avec les enluminures (qui répondent à des contraintes stylistiques et de format particulières), elle existait aussi.
Ca aurait dû être évident, mais tellement perdu dans la vision du monde progressiste, j'étais sur l'idée que la peinture digne de ce nom était apparue progressivement à la fin du moyen âge et à la renaissance et qu'avant les gens ne pouvaient/savaient faire que des dessins approximatifs, techniquement à la ramasse.
Or, c'est évidemment complètement stupide.

(Les techniques n'étaient pas les mêmes, ils peignaient avec de la cire ou des peintures à base de jaune d'oeuf, si je me rappelle bien, mais en terme de dessin, ils étaient tout à fait capables, tout comme les cro magnons)

@Les similitudes entre les peintures préhistoriques et les artistes de la fin du XIXème et du début du XXème, ne sont-elles pas liées en partie, justement, à la découvertes des peintures rupestres et leur influence sur eux ?
Je n'ai aucune connaissance dans le domaine, mais cela, quand j'y pense, m'évoque quelques chose.

Picasso s'est fortement inspiré des primitifs africains dont les masques ou les statuettes. Pour autant il ne se souciait pas des peuples africains, c'était juste le côté artistique qui l'intéressait. Les taureaux de Picasso ne sont pas sans rappeler les aurochs aurignaciens mais c'est possiblement le style linéaire qui permet le rapprochement.
Dali a parfois abordé les arts primitifs mais en même temps que le plupart des surréalistes qui s'intéressaient davantage à dénoncer l'opposition supposée à un art classique.

Bon, après, en trente mille ans ce serait étonnant de ne croiser qu'un Dali ou qu'un Picasso. Tout le monde reconnait qu'il faut un talent artistique certain pour représenter les lionnes de Chauvet ou les bisons de Lascaux